Catherine WOLF et Frédéric AMBLARD
On peut préférer oublier à quel point l'art nous
dérangera.
"Nous déranger ou pas", pour
Catherine S. Wolff, la question ne se pose pas. Sa peinture n'est faite ni pour
gêner ni pour rassurer. Elle lui est une respiration, un mode d'existence
passant à la vitesse supérieure pour lui permettre de ne pas être dérangée,
justement. Elle peint durement, comme elle respire donc : rien de plus rude que
ses formes et ses thèmes picturaux Or, approchez cette femme, ce qui domine,
c'est son rire "énaurme", sa petite taille, sa chevelure de lionne.
Pas d'angoisse apparente ni de refrains pathétiques. Dans la vraie vie, elle
vit et va, légère ou inquiète. Pas ses toiles ! Qui exhibent ce qui va en
sourdine, à bas bruit, sans mots mais non sans sens ; et qui irait plus mal si
rien n'en était dévoilé. Peindre, ce travail en profondeur, remue ici notre
face commune, inavouée, et faire surgir un matériau brut et nu, non habillé,
non maquillé. Le sexe nu et l'effroi.
De ce que saisit son pinceau, on peut craindre le
pire ; mais ce n'est jamais sans propos ni avant-propos. C'est qu'un fait
particulier, marquant, a enclenché les mises en scène, mises à mort, en amour.
Quelque amant, quelque injustice l'aura-t-elle heurtée ? Catherine S. Wolff
leur règle sur-le-champ, comme en duel, le compte. Duelle ? Non, elle est tout
d'une pièce, alors que ceux qu'elle foudroie sont tordus. Allez vous étonner
que ses toiles aient mauvais genre après ça ! Toutes intimes qu'elles lui
soient, elles et elle ne se confondent pas : sa peinture est une autre, plus
méchante, plus comptable de la réalité vacharde. Un lien commun existe
cependant : l'humour. Humour face à l'amour, humour contre l'amour. Rire lui
permet d'aborder ce sexe que l'on ne saurait voir sans qu'il nous crache au
visage, morde, nous dévisage. Notre sens du bon ton va se déchaîner ; mais la
peinture, ici, l'a précédé. Et assumé.
Omniprésent, le sexe de cet art,
est-ce haine, ou amour ? C'est avant tout une économie de moyen visant à
l'essentiel : la nudité. Cette nudité qui, plus petit terrain d'entente,
captera le vrai. Une œuvre plus nue que celle-ci, vous en connaissez ?
Suspension du temps et des sexes. Le rapport hommes-femmes est-il mis en
souffrance ? Qui en a peur ? "Qui a peur de Catherine S. Wolff
?"
Vous détestez son art ; vous lui en
voulez. ça se comprend.
Vous acceptez son art ; vous en voulez.
ça se comprend aussi.
Ce qui se comprend, c'est que Catherine S. Wolff, malgré qu'on en ait, a des couilles. Pas moins "couillarde" que la peinture de Cézanne, adepte du mot. L'air qui en émane use de titres qui, sans leurres, explorent un axe ludique, riche en référents littéraires, culturels, picturaux. Au titre, ce héraut de l'art, de porter sa part des affres qu'une telle exploration du grotesque, du "grand macabre", de l'outrance, engendre par monts et pas maux.
Mots, maux... L'art de Catherine S. Wolff lui
vaut maints ennemis, le tout premier étant elle-même. C'est ainsi qu'affrontant
son "ego" de vilain petit canard affrontant un grand méchant loup,
elle ne se perd pas : au risque de l'effroi, son jeu épique fait
tournoyer grandeur et misère, dépassement et cruauté. Sans apaisement possible,
si ses rets traitent du cauchemar et jamais du rêve, c'est que l'apaisement
fausse le cauchemar et le nie. A la toile, qui peut faire fuir, d'outrepasser
toute répulsion, dont la nôtre ! La sienne, primordiale, instaure rien moins
qu'une "catharsis" - cette purgation de nos passions capable de
liquider nos refoulements. "Cath'-art-sis" gît ici".
J adore!
RépondreSupprimer