vendredi 21 février 2014

EMMANUELLE MASON : L'ANGLE D'UN ANGE ! (Yannick Lefeuvre)

Elle nous donne à voir des carcasses d'animaux morts, os et chairs en décomposition saisis dans leurs monstrations verticales désarticulées...
Par quelle magie arrive-t-elle sur le socle de ces visions insupportables à élever notre regard vers la vie ?
Sans doute, elle a l'œil, elle sait saisir de par sa pratique performante ce qu'il en est des subtilités des matières, des brisures et des lignes qui déclinent des frontières oubliées. Elle cherche, puise et s'aiguise à saisir l'ineffable. Un jour sans doute, en ces lieux terribles, elle a vu, elle a su et elle a fait en sorte de nous donner sa vision en partage. Nous convier à ce passage devait être nécessaire pour elle.
Toute représentation a une part de rituel. Ce dernier engage l'être dans les souffles de la vie ou dans les méandres de la morbidité. Son choix contre toute attente vivifiant et courageux ouvre notre pensée à l'animalité. L'inattendu dans ses visions tient dans le dynamisme de la « gestuelle » animale toujours à l'œuvre même dans la mort.
Voilà une proposition qui n'est pas mortifère et signe une parenté réelle et oubliée entre la volonté humaine et la vigueur animale. Elle nous la révèle avec un talent surprenant. Elle donne présence à un devenir très court mais saisi dans l'instant avec une tendresse incroyable. Il y a de l'effroi à l'idée que ça va courir encore au delà d'un là qui fut. Mais elle sait nous faire tourner le dos au déni. Elle écrit ses tableaux avec la légèreté d'une plume dans le vent, encre sur impression numérique montée sur «  dix-bonds ». 
L'accroche nécessaire à la dissection engage une dernière danse au creux des silences parsemés de lambeaux de fines dentelles, de transparences cotonneuses, de tissus diaphanes. Entre ciel et terre, elle attrape une toute dernière et fugace verticale animale et nous l'offre.

Et l'angle pris par l'ange nous tire vers un sublime inattendu.

crédit photo à Bénédicte Deramaux

mercredi 19 février 2014

PABLO PRO : OXYGEME (Véronique Adraï-Mazert)


Avec sa série de photographies OXYGEME, Pablo Pro met en scène des danseurs nus en haute mer, une performance artistique et visuelle, des images sous l'eau sans trucage ni retouche. Cette série de photographies est un hymne à la grâce, la sensualité et la simplicité
Pablo Pro entretient ici un rapport anti-sexualisé à la nudité, un rapport à la fois cru et poétique. La nudité devient un témoin de l’existence humaine : les gens arrivent nus dans ce monde et il considère que le corps nu est l’apparence authentique de l’être humain. 

Ce rapport à la nature, est d’ailleurs fondamental dans ses photographies. Ces corps nus semblent évoluer, complètement immergés dans une eau presque irréelle. On est alors transporté émotionnellement dans ces compositions oniriques et puissantes. 


dimanche 9 février 2014

NICOLE ANQUETIL : LA VÉRITÉ DU GESTE (Lucien Ruimy)

Elle se jette sur la toile, le geste est fort, les couleurs bleu, noir rouge explosent. Les barrières volent en éclats. Quand elle ne cherche pas à plaire, à en dire trop pour masquer l’essentiel, quand sa peinture est vraie, directe sans compromis, elle laisse s’exprimer son tempérament volcanique. Nicole Anquetil se met à nu.


Dans une gestuelle dynamique que n’arrête que les limites de la toile, elle laisse parler tout ce qu’il y a de fort en elle.
Laisser parler le corps qui sait, ne pas se laisser aller à faire « joli », dire la vérité du geste premier, celui que l’on ne calcule pas, celui qu’elle ne cherchera pas à masquer sous des couches et des couches de conventions picturales.


Oser aller au sens premier de la peinture « le sujet de la peinture ce n’est pas toujours le sujet » et créer ainsi de véritables déflagrations chromatiques. S’imposant d’improbables défis elle avance au gré de ses humeurs, elle s’abandonne à la joie d’une couleur, d’un geste ou d’une transparence.


Elle nous invite à la suivre dans son cheminement, dans le chaos de sa pensée en apparence si ordonnée. Dans son désordre chromatique, elle recherche une ligne directrice que lui donne souvent ses fulgurances en noir.



En fait, Nicole Anquetil est une anarchiste chromatique, du chaos elle tente de faire surgir une organisation nouvelle, un équilibre des couleurs,  un ensemble cohérent.



Des limbes de la gestuelle incontrôlée, de l’explosion colorée Nicole nous dit : regardez, c’est tout moi.

vendredi 7 février 2014

GASPARD NOËL : BOUGE DE LA ! (Yannick Lefeuvre)

Sur une seule image révéler la beauté du monde par des pointillés de soi sous forme de « Plouf ! » et du même coup évoquer le tragique d'un tombé là par inadvertance et tout ça de façon enjouée...voilà un tour de force digne d'être apprécié dans le paysage photographique contemporain ! Dans la grande suite naturelle qu'il occupe, il s'additionne un par un et la beauté des paysages uniques se dévoile à leurs justes grandeurs. Aujourd'hui, il nous indique qu'il faut (être) plusieurs de soi même pour s'ouvrir au sublime. Voilà un point de vue ludique étonnant qui révèle à la fois que l'être soi actuel est incapable d'y être et que le monde dans lequel nous sommes est devenu à ce point invisible.
Ça l'intéresse de s'inscrire dans la grandeur des espaces par la multiplication d'un soi brut de nu. Mise à l'épreuve du photographe pour nous révéler le vertige face à ce monde dans lequel il est, comme nous tombé là par hasard. Voilà une tentative originale qui nous laisse pantois et admiratif. Et du coup le sourire extasié qui pointe en nous devant ses photos emporte le regard vers ces contrées magiques à découvrir.
Par la façon de se prendre en photo, il nous surprend à nous surprendre à rêver le monde avec une sorte de tendresse malicieuse. Il nous fait passer par le regard de l'étonnant au détonant des questions existentielles. Un « Je-nous » grimpe tout seul à « plusieurs-lui »...Escaladeurs nus, hommes-fruits, ploufspierres.... Par l'écart épatant qu'il crée entre ces Petits Poucets blagueurs et la Géante Dame Nature, notre regard ainsi rafraîchi s'émerveille. Tout à coup mis à l'écoute de la grande vibration énigmatique du monde, nous mesurons avec émotion notre présence éberluée.
Par le truchement visible d'un multiple même quasiment animal il ouvre notre regard à la sauvage et magnifique réalité de la nature. En s'inscrivant ainsi dans la nature, créant le pas de coté, le détail (car il sait rester humble), la pensée émerveillée et ouverte à la sensualité d'un réel décor nous fait palpiter le cœur.
Sans en faire tout un plouf, son humour tout en étant respectueux des belles immensités donne dimension autant à la nature qu'à l'être qui une fois remis à sa quintuple place peut fraternellement s'ouvrir à l'émotion de la beauté. Ces petits lui multipliés butinent dans mille et une contrées, il s'y expose cul nu et nous explose de rire. Un régal de beautés, d'humour et un zest d'images philosophiques sans autres discours que celui de se laisser aller au plaisir de ses images à consommer sans modération !

(Si un lecteur attentif remarque combien je me répète dans ce texte qu'il sache que je fais en écriture ce qu'il fait sur ses photos...et toc et clic !)