Il fut un temps où quand il
était dit « J'ai laissé mon bâton dans le pré », chacun comprenait et
l'entendait à sa façon. En ces temps, cela ne laissait personne indifférent.
Ainsi par la parole métaphorique, le lien s'établissait. Aujourd'hui, de ces
énigmes, proverbes et dictons, il en va différemment. Mais cet artiste là se
saisit de l'énigme et déroule son tapis rouge. Il nous raconte que quelque
chose à l'évidence importante, vitale, inavouée a disparu. Là où ça ne nous
dérange plus, lui, ça le démange. Tant mieux, il nous montre la rupture, la
déchirure, cela l'obsède. Il en fait des « toiles », des sculptures, des
installations. Il trace ainsi des routes, des jeux de pistes, des retournements
et détournements salutaires. Il nous envoie des signaux comme pour cerner
l'espace et arrêter le temps. « Ça déchire » comme disent les jeunes. De la
justesse des mots, de la sensation de l'émotion, du sentiment qui en découlent,
il nous en parle avec son talent personnel. Sans fioriture, il nous l'expose
d'un geste précis, simple, vécu. Un espace de couleur où un trait de lumière
barre sa surface et « point barre !». Une simplicité à la Judd, le méconnu.
A nous de nous
emparer du bâton qu'il nous tend ! Mais le voyons-nous ? Il nous invite avec
conviction sur cette route là. Il nous la balise, il nous la scande, il nous la
déroule. Alchimiste, il en fait aussi de l'or (c'est culotté !). De cela, la
vibration magique fera œuvre. Par son détour d'artiste, il nous invite à l'obsession
d'une parole qui n'est plus là. Que va-t-il en résulter ? Que de belles et
bonnes choses... avec et c'est là, son talent un au delà de la chose, une chose
revue et corrigée, étendue jusqu'à ce que cela enfin s'entende.
Que cela s'entende... et de sa proposition qui est à mon sens d'une folle
originalité, il nous tend un miroir au reflet brisé. C'est aujourd'hui
tellement utile, pragmatique et concret. Je pèse chacun de mes mots que si nous
n'y voyons guère d'intérêt c'est que la tragédie s'est déjà installée. Les
artistes sont d'urgents vigiles. Et comme le petit poucet, il va par ses toiles
nous indiquer comment rejoindre l'être fondateur, celui d'une parole partagée.
Ce Brueghel d'aujourd'hui qui prend le temps d'inscrire de la parole sur une
représentation picturale comme Brueghel en son temps, Ce peintre du passé
sentait bien déjà qu'il y avait là une richesse inouïe à ne pas perdre. Il est
possible qu'en son temps, c'était pour lui chemin moral à suivre mais
aujourd'hui, il semble que ce ne soit plus le propos. Il s'agit simplement de
renouer avec. Ce miroir qu'il nous tend, paroles colorées sur vibrations d'un
champ de somptueuses couleurs où le jeu vibratoire s'allie des mots qui
apparaissent ainsi vivants.
Pourquoi donner de son temps à voir une parole ? Ce cheminement, cette
rumination et entendement lui appartiennent mais elles nous concernent aussi.
Généreux, il nous tend la main. Il soupçonne que pour lui ce qui est salvateur,
c'est d'en passer par là. Regardez bien son travail, cette cohérence qui
l'achemine là aujourd'hui. Ce chemin est à portée de notre regard. Parole, lien
entre nous tous, nous autres, parole, quotidienne, triviale et anodine (du
genre : « Joli temps pour une arrière saison ! » à « Un tien vaut mieux que
deux... », paroles évidentes jusqu'à l'invisibilité de leur vitalité. Il nous
invite à nos propres noces sous l'aune de la couleur dans un jeu de sens à
fleur de souffles. Il induit et nous conduit à ce savoir intérieur que nous
partageons tous.
Il a fait la moitié du chemin et nous donne l'opportunité de le
rejoindre.
Alors, on joue ?
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