jeudi 17 octobre 2019

KRISTIAN DESAILLY (Nicole Anquetil)

Kristian DESAILLY





Kristian est une force de la nature, un colosse qui mord la vie à pleine dents, nous embarque à sa suite dans un tourbillon insensé d’activités et de réflexion au rythme des stridulations des cigales. Il est genévrier robuste et rustique, sauvage comme le thym, encré solidement sur ses deux jambes dans le roc abrupt des contreforts  de la Montagne de Lure, grand résistant aux coups de soleil, de vent et des aléas de la vie.
Avec  puissance et courage comme les défricheurs/ bâtisseurs,  il passe des outils de jardin, de charpentier, de cuisinier aux pinceaux pour affronter avec la même énergie les escarpements de sa Provence et  le lin de ses toiles.
En mouvement constant, il répare la piscine, prépare un repas pour vingt personnes, va embrasser sa vieille mère adorée et aujourd’hui décédée, construit son nouvel atelier, dévale à 5 heures du matin sans chapeau ni eau les chemins raides du vallon de la Sénancole, remonte avec la même ardeur fier de l’effort et heureux d’avoir réservé à ses chers amis la surprise du vieux moulin à huile accroché à la falaise ou la grotte cachée sur le chemin périlleux  de l’abbaye de Sénanque, dévale les pentes caillouteuses du chemin blanc vers la vallée pour les dernières courses du soir. Epuisant mais jamais épuisé, on le surprend tout à coup rêveur amoureux de ce coin du Luberon dans lequel il vit depuis son enfance, les yeux plein des lumières du ciel de ses nuits à la belle étoile.
C’est un homme authentique tout comme sa peinture, vivante et libre, forte et colorée, plages d’acrylique marquée, rayée à grands coups de fusain, de craie ou de pastel. Kristian sait ce qu’il veut faire dans cet apparent monde imaginaire d’oiseaux, de poissons, de crêtes de coqs, d’écailles, de coquillages, de pistils, de soleils et de lunes… Sa peinture est ouverte, pleine de sourires, d’éclats de rire laissant à peine déceler les marques d’ombres ou traits cinglants de la vie. 
Ses toiles sont l’expression d’une liberté du regard sur ce qui l’entoure, un apparent méli-mélo d’un visionnaire qui décortique le monde. Son univers pictural reflète le paysage de sa vie, remplie, volontaire et libre. C’est une peinture généreuse qui donne autant à voir qu’à méditer,  peinture sans entrave qui invite à rêver sans hésiter, peinture rassurante réminiscence de l’enfance tout autant que l’expression d’un sage, peinture gestuelle affirmée et décidée comme sa passion pour la vie, l’amour et l’amitié.






MELANIE PASQUIER : A L'ORIGINE DU MONDE (Michel Foucault)


C'est un curieux voyage auquel nous convie Mélanie Pasquier. Il suffit de plonger dans ses grands fonds aquatiques et laisser son regard dériver au gré des formes flottantes qui se présentent sur son passage. Au hasard, on se surprend à rencontrer pêle-mêle des algues et toute une flore sous-marine.  La végétation est décrite avec un souci du détail évoquant le réalisme des gravures d'une planche botanique. En même temps des tentacules disproportionnés nous entraînent dans un univers onirique mi rassurant, mi inquiétant. Il faut accepter de perdre pied dans ce fourmillement de détails rempli de vie rappelant l'extrême profusion des tableaux de Bosch. 
En poursuivant cette plongée décidément peu ordinaire, des formes humaines surgissent: un cerveau gît dans un fond sous-marin, un œil géant se déplace tel une méduse, des cavités organiques sont gorgées de cellules prêtes à se disperser. Plus loin des formes animales inattendues font leur apparition: la queue d'un chat, des pattes de cervidés, une oreille de lièvre. Humain, animal et végétal marin ou terrestre, tous les règnes du monde vivant sont convoqués dans un fascinant délire visuel.
 L'artiste ne fait aucun mystère sur ce qui a généré ses peintures. Elles furent toutes créées lorsqu'elle attendait la naissance d'un enfant. Ici la main ou la jambe potelée d'un bébé traverse le premier plan de la toile, là un corps nu de femme navigue dans le lointain. Le travail de Mélanie Pasquier porte les traces vibrantes des espoirs mais aussi des angoisses d'une femme qui ressent à l'intérieur de son corps les métamorphoses et les mystères d'un être en devenir. Les titres «Polyphème», «Niké» ou «Nausicaa» proposent d’effectuer une remontée dans l'histoire de l'humanité. Cette plongée hors des espaces connus pourrait être également une invitation à voyager à travers le temps. Mélanie Pasquier donne à voir le trouble que l'on peut ressentir devant les mystères de la vie depuis ses origines.