jeudi 30 janvier 2014

CRISS CUSSON L’ADOLESCENCE D’UNE REVOLTE MUSICALE OU PICTURALE ? (Sandra Detourbet)

S’il projette au loin celle qui scintillera…
Nous voici à peine conscients de l’avant et de l’après décibel où le cœur de la sono vrombissante assourdit nos peurs les plus secrètes. 
Si dans le domaine de l'acoustique, on exprime couramment le niveau sonore en décibels, valeur qui exprime  le rapport des puissances entre la grandeur mesurée et une valeur de référence fixée par une norme ; dans le domaine de la peinture, on exprime souvent le niveau du rêve en densité physique. Cette valeur exprime alors le rapport entre la profondeur effleurée et l’aptitude à explorer l’inconnu.
Le décibel est un sous-multiple du bel, qui est très rarement employé. Ni le bel, ni le décibel n'appartiennent au système international d’unités et Criss Cusson, lui n’appartient à aucun système, il est un sur multiple du beau, tout simplement.
Criss Cusson est ailleurs.
S’il y avait un temps où vous n’auriez jamais vingt ans, vos larmes y couleraient à flot, unique printemps diluvien de votre désir.

« Être » dans sa toile, c’est naître sans abscisse ni ordonnées, dans ce repère prénatal où grondent des sons punk - pop – rock – uper space. Il est le TEAN  AGER indéterminé de nos voix lactée.
Lui sait cette juste distance qui nous rapproche de nous même, à la frontière de la chaire et de son contraire. Ce frère, cet envoleur qui risque sa vie pour vous déplaire à jamais, réveiller en vous votre héros, ce rose érotique.
Mister Criss Cusson est un mousquetaire hybride, un romantique anti conquistador. Son corail au milles vulves filtre la flore électrique. « Cette femme est un homme… ! » Sa fleur est secrète. Et le parfum qui s’étale danse avec ce qui de vous ne s’avoue.

mercredi 29 janvier 2014

PAULINE FILLIOUX : ÇA DEMENAGE ! (Yannick Lefeuvre)

Quand ça déménage... il y a des cartons partout...des objets emballés ...
des cartons encore... des odeurs de feutre, des senteurs de scotch...ça scratche......déchirures adhésives...agressives...ciseaux…les cinq sens en effervescence ouvre le regard sur l'univers d'un chez soi défait, dérangé et déjà en partance.
Tout à coup, ça vibre... là ... elle a vu.
Lueur inattendue, elle perçoit des glissements de couleurs dans les épaisseurs des bandes adhésives. Arrêt sur image...les bandes deviennent ombres jaune havane qui s'emploient dans les hasards de l'emballement à dériver les nuances d'un soleil glauque de l'en dessous. Des fluides de fumées visuelles l'enivrent et d'un seul coup, enlevée, elle sait.
Elle pratique l'art du haché menu pour fixer d'un coté les figures mythiques, les références tutélaires de notre temps et de l'autre les plastiques charnelles des déesses. Bien balancée entre ces deux pôles d'où elle s'origine, elle saisit comme support des photos de gens dans le métro eux mêmes anonymes dans le transport d'un lieu à un autre. Ces êtres, fantômes humains...enfermés dans leurs pensées...comme des cartons clos véhiculés dans une absence de sens, anonymes dans les odeurs, les bruits et le mouvement ...les photos banales du métro deviennent sujets pour dire, sujets d'une œuvre originale dans sa substance.
Elle les scotche, ces visions, tout au long d'un long labeur chirurgical. Ses mains détaillent, charcutent et cisèlent les silhouettes fondues dans leurs espaces, leurs ombres, leurs lumières. Elle, l'artiste sur la faille des mille et un voyages possibles nous interprète les scènes au tempo d'un solo de couleurs havanes très jazzy. Devant ses « toiles », on s'arrête, interrogé et suspendu comme elle fut elle même un jour par hasard, ravie. L'art d'aujourd'hui enivré de sa propre fulgurance s'articule de ce qui va de l'ici et maintenant du matériau à la réalisation non seulement d'une œuvre mais d'une vision qui nous emmène dans une symbolique toute nouvelle. Le résultat est époustouflant !
A nous d'adhérer ou pas...mais c'est inouï et plein de vie en plein vol !


mardi 7 janvier 2014

ANNA BARANEK : LA BEAUTÉ DES CHOSES SIMPLES DE LA VIE (Lucien Ruimy)

Anna BARANEK
De ses promenades contemplatives Anna Baranek raméne des images. Celles-ci broyées dans la magie pigmentaire de l’atelier reforment sur la toile des paysages mémoires, des empreintes mentales où les reflets effacés des arbres, des cabanes… se confondent dans des mirages abstraits.
Cela donne une liberté à l’artiste, lui permet de ne transmettre qu’un éclat particulier, une lumière, un mouvement. L’émerveillement d’Anna devant les choses simples qui lui permet d’outrepasser les limites du réel.
Le mot qui vient à l’esprit quand on veut caractériser sa peinture est : lumineuse. Point de stratégie, ni d’effets picturaux.
Des fonds très travaillés, comme de vieux murs qui portent les traces de leurs passés, les fonds d’Anna Baranek portent les traces des couches successives. La gestuelle en est comme effacée. Les transparences, les harmonies de la texture donnent une sensation de stabilité, d’apaisement.
De manière symbolique elle va y incorporer un arbre, une cabane ou une barque. Chaque sujet est traité de manière allusive, fugace. Ils sont comme des repères, des balises qui conduisent à des moments d’intimité que le spectateur est invité à partager. Partager son émerveillement devant une lumière, un paysage, une couleur…

Tout chez Anna Baranek est un appel à la rêverie, au partage de l’émoi des choses simples de la vie : « Une chose échappe à toute stratégie, cet émerveillement, l’éclat de cette beauté qui brille dans nos yeux ».

jeudi 2 janvier 2014

ALBANE DE SAINT REMY : A PORTÉE DE MELODIE (Yannick Lefeuvre)


Albane de SAINT REMY
D'emblée à l'écoute des toiles d'Albane de Saint Rémy, nous ressentons une sensation d'envol, un glissement dans un rêve très doux, une tendresse inattendue pour la vie qui nous transporte. Les toiles d'Albane ont ce pouvoir là ! Cela devrait suffire à notre plaisir de les regarder une à une et d'éprouver à chaque fois le sentiment d'une métamorphose de soi. Mais cette capacité due aux effluves de ses toiles de nous voir basculer dans le merveilleux ouvre à mon sens à un « dire vertigineux ». Une parole où la passion de la vie et de ses représentations trouvent des chemins.

Une amatrice d'art proteste car dit-elle les silhouettes figuratives sont inutiles et gênent l'abstraction dans son essor. Parfois l'amour ressenti ne s'évade ni de ses propres clichés ni de l'enfermement d'un connu « moderne ». Alors, sur une toile d'Albane ce qui ouvre la porte des émotions que l'on voit ici refusées pour cause de désobéissance à la pensée convenue (car il est dit que l'abstraction se doit de refuser tous signes figuratifs) c'est l'écart justement. L'écart entre cette pâte chaotique constituant un substrat puissant et coloré en amont et la finesse sensuelle d'un trait de craie soulignant par exemple une silhouette de jeune fille saisie sur le vif de son être vibrant.
Pour un « vrai dire », un pas de coté vis à vis des certitudes se révèle nécessaire et c'est là que se situe pour tout un chacun une chance de voir pour soi, d'aller plus loin et de goûter à l'ineffable. Une transmutation du charnel de la couleur vers des éblouissements blancs, des ciels à venir et des horizons subtilement diaphanes nous guident. Ce creuset pictural qu'elle nous donne à voir prouve que ses cheminements abordent une connaissance inouïe. Elle ne peint pas pour ou en osmose avec mais parce que c'est ainsi que cela s'énonce dans son processus pictural.
A nous de nous étonner d'un tel chemin, d'une telle prouesse qui ne cèdent sur rien que d'aller vers, d'être là et de s'y tenir au plus près d'une fulgurance épanouie. Elle redonne au regard ses capacités visuelles, celles d'une vibration oubliée et tout à coup reconnue. Un sentiment de plénitude reprend vie en soi une fois l'émotion éveillée par les plages aux couleurs soutenues. Par ses substances charnelles ne faisant impasse ni de la violence (arcs jetés, déchirures noires, gribouillis informes) ni des douceurs (lignes tenues, roses pastels, souffles d'or), ni des caresses de tendresse (coupes, barques, bulles en suspension...), les conjuguant comme autant d'émotions vécues et lui appartenant. Puis ces quelques signes ou éléments originels par elle convoqués se déploient sur sa table après cuisine odorante comme autant de fruits, d'oiseaux et de feuilles complices. Autant de références personnelles qui, transfigurées nous emmènent « naturellement » du visible vers l'invisible. Nous, devenus funambules avançons entre ciel et terre sur ce fil qu'elle institue comme élément reliant d'elle à nous et de nous à tire d'elle. C'est magnifique !
De plus, dans les tensions des quatre éléments assortis aux cinq sens, le temple ainsi installé cache des entités studieuses vers lesquelles nous pouvons aller prier et marmonner d'anciennes comptines, des formules magiques et des psalmodier des sortilèges encore efficaces. Ce qu'il en est de nous à cet instant où le regard s'approfondit est évanescent et seule la poésie pourrait apporter une variation à sa hauteur. Ainsi j'arrête d'en écrire plus et je me laisse aller au plaisir égoïste (ce qui fut vrai tout au long de l'écriture de ce texte) de puiser au cœur des sources rafraîchissantes de ce qu'elle nous donne dans une volée de rêves, un état de désir.
Quelle joie de rencontrer un jour une grande artiste qui nous donne sans emphase le plaisir de partager ses appétits d'être !

UNE VIDÉO DE SANDRA DETOURBET SUR ALBANE DE ST REMY