Au commencement était la nuit, l’univers s’est
éteint et des yeux inouïs trouent la mort. Il n’y a plus qu’un visage unique,
désert et déchiqueté, qui s’accroche aux masques du néant. Et des cernes de sang
scarifient la peau broyée d’un corps qui fut immense… La nuit saisit l’espace,
et l’espace est possédé.
L’art de
Jean-Christophe Fischer est oppressant, “chargé” et puissant. Art d’exorcisme
et de conjuration, qui lutte contre tous les délabrements de la peur et de la
déchéance, et qui oeuvre en un rythme lourd, archaïque et lancinant.
Le masque
est l‘horizon menaçant du visage, mais le visage dit la fin des masques.
Au-delà du visage sont ses lointains cruels : ceux du dehors, aux identités
saccagées, et ceux du dedans, inaccomplis...
Face à face
implacable, où le miroir désigne le bourreau. Résonnent en lui des milliers de
figures englouties. Bouche emmurée, noircie de
néant, au creux d’un visage inconnu, brûlé de mort-vie, et marqué de
lointaine Afrique.
Tendu par
les hauteurs, et pris dans l’étau des profondeurs, le regard s’élève, blessé
d’infini. Espace effarant du visage. Quand tout se désagrège, l’oeil seul tient
le fil de la vie. Il toise, il atteint, il fracasse nos fragilités. Le visage
d’origine, à l’inexploré douloureux, ignore d’avance ce qu’il sera.
En medium
éclairé, l’artiste impose la puissance d’impact des arts primordiaux. Arrière-langage, parti de loin.
Ces traces directes agissent par une formidable chirurgie mentale. Son art est
rituel d’apparition, contre toutes les disparitions. Dans son immédiateté
brutale et poignante, dans sa fabuleuse percussion visuelle, Jean- Christophe Fischer assène la terrifiante
singularité du ressenti archaïque.
Ce que les
ornières de la culture cachent obstinément, ce que les ordres du jour n’en
peuvent plus d’affronter, la part d’ombre le révèle : les trouées de l’être,
les regards sacrifiés de nos doubles, et leurs beautés mortelles. Et le visage
s’affole dans l’opacité sans fin de l’univers. A hauteur d’humanité, la
création palpite.
« Tu
t’arrêtes quand tu n'as rien fait ». m’a dit Jean-Christophe.
L’artiste dit la fin du jour.
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