lundi 19 janvier 2015

CHARLOTTE DE MAUPEOU : L'ÉNERGIE AU BOUT DU PINCEAU (Lucien Ruimy)

Charlotte de Maupeou est une jeune femme déterminée. Après un séjour à la Casa Vélasquez en 2003, Charlotte a revisité la peinture de Vélasquez, Vermeer ou Delacroix. Comment ces maîtres de la peinture auraient-ils peint s’ils étaient de notre temps ? Charlotte nous en donne une idée, sa version. Car si l’on reconnaît au premier coup d’œil ces tableaux célèbres, la matière, la texture de la peinture en sont totalement différentes. La fluidité de la peinture, le geste non effacé leur donne un aspect des plus contemporain.


Sa dernière série sur les fleurs est le fruit d’un atelier en travaux qui l’oblige à s’installer de manière précaire dans une grange avec vue sur les champs de sa campagne. Les aléas du temps créent une urgence, le genre de situation qu’aime Charlotte, tout son savoir faire est ainsi concentré par ces obligations et là elle peut donner le meilleur d’elle même. 


Le caractère monumental de ses fleurs, l’exubérance des touches font que ne sont pas seulement des fleurs, mais de la pure peinture. Peintes sur du papier marouflé sur la toile les déchirures que cette opération a occasionnées sont la mémoire de la précarité de la création.


Il y a toujours, chez Charlotte de Maupeou,  cette volonté de demander au spectateur un effort sur ce qu’il regarde. Il y a un sujet et il y a la matière, la texture de la peinture, dont il est fait ; le sujet en peinture, ce n’est pas le sujet.


Ce qui caractérise l’ensemble des travaux de Charlotte de Maupeou,  c’est un geste fort, une détermination à entrer dans la peinture et l’un de ses éléments fondamentaux : l’eau. Les touches sont rapides et spontanées, à grands traits la toile est caressée par de larges coups de pinceaux.


Derrière cette énergie déployée, cette spontanéité, il y a aussi une cohérence, un contrôle qui fait toute la force de la peinture de Charlotte de Maupeou.






dimanche 18 janvier 2015

LES CHARLOWSKI : LE VESTIGE D'UNE EUROPE (Sandra Detourbet)

C’est quoi ça ?
Quel monde décousu, que ces petits objets retrouvés sur le littoral des Charlowski.
A quelle décennie appartiennent-ils ?
Méliès ou l’odyssée ?
La mer rejettera l’enclume égarée en 2009. Sous un millénaire silencieux, qu’en restera t’il?
Quel faux-cil ?
Travestissement décadent,
Hommages grimés,
Décalage burlesque…
 
Vous avez dit tribal comme c’est trivial… Primitif et allégorie veillent ensemble un monde qui nous raconte le vestige européen, où lui, croit aux mystères et aux fables, et elle, établit la correspondance entre Zarathoustra avec son Sur Homme, le néo-punk ­nihiliste et grégaire…
Le trash
Le crash
L’adieu qui se prolonge… aux idéaux maudits et à l’élégance naïve, mais nourrie.
Quand ça joue à flot avec l’écume inlassable et lointaine de l’enfance…

Va-y !
Je vais lui coller un bleu de Prusse et la tendresse bordel…
On a tous quelque part un vieux tube oublié.
Atterrissage en terre ancienne où l’archéologue et l’ethnologue n’auront qu’à rassembler les fragments d’une croisade en terre arides. La colombe est jeune. Son rameau dans le bleu du ciel blanc suit l’arche du chaos.
L’hiver avant le déclin. Le déluge après la fête.
Rendez-vous annuel de l’été sera très attendu, parfois zen, parfois autre.. La célébration se déroulera en toute intimité.





dimanche 11 janvier 2015

LUC LEFORT : SCULPTEUR DE LA COMPASSION (Hugues Bourgeois)

Luc me dit, c’est là, en ouvrant une porte sur la gauche. Une douzaine de créatures, de forme humaine, sont présentes, debout, contre les murs de cette pièce presque vide. Une seule et longue table est dressée au centre. Pour éviter les créatures, j’y accroche mon regard. Je me rapproche de la table pour y prendre appui.  Sur la table, deux fœtus hydrocéphales, l’un livide, l’autre bleu, attendent qu’on les prenne dans les bras. Par goût de la couleur, je pris le bleu. Mon geste paternel m’apporte courage et réconfort pour me rapprocher des créatures. Certaines sont plus grandes que moi. Avec l’un des leurs dans mes bras, je ne risque plus rien. En ralentissant mon pas, je les dévisage, je les touches, j’entre en contact avec tout leur être. Luc m’explique les secrets de leur fabrication, comme dans un texte biblique. J’imagine alors une installation extérieure, un Eden, mais ces sculptures sont fragiles et doivent rester à l’intérieur.
Les hasards de la vie proposent des connexions. Je rentre d’Hiroshima. Et je vois alors dans ces sculptures des survivants de la bombe. Des hibakusha. Et je vois l’effet du flash sur ces orbites aveugles, l’effet du souffle sur ces éventrations, l’effet de la chaleur sur ces chairs qui coulent comme de la cire.  Et je vois aussi de la stupeur dans leurs bouches, voyant l’horreur instantanée qui se passe sous leurs propres yeux. Il me fallait peut être ce temps de réflexion personnelle pour comprendre ce lien fort que j’éprouve face à ces sculptures, et qui n’est probablement pas étranger, ni à mes choix professionnels, ni à mon goût pour la peinture expressionniste. Et c’est donc une véritable compassion qui me submerge, car leurs souffrances, multiples, visibles, les transcendent en humains véritables et  vivants. Ils me regardent eux aussi et la compassion est alors partagée. Nous avons pu, eux et moi, changer de place.
Et c’est là le point : ces sculptures nous renvoient à l’une des pertes les plus radicales de notre société, la perte de la compassion. Sans compassion, comment alors supporter cette souffrance ?
Certains rejettent donc ces sculptures ne comprenant pas que ce sont les restes de leur propre humanité qu’ils rejettent. Face à ces sculptures, il faut lâcher prise, accepter des émotions que nous refoulons. Il faudrait presque fermer les yeux et seulement les toucher…
Luc a ce don rare de pouvoir créer une sculpture génératrice de compassion, et il nous tend le miroir que nous fuyons, et ainsi nous démasque malgré nous.