lundi 30 juin 2014

MARIE-CHRISTINE PALOMBIT : LA SENSUALITÉ DU CORPS (Lucien Ruimy)

Marie-Christine Palombit a un thème : le corps nu. Son atelier elle l’appelle même ARTCORPUS.  Mais il s’agit d’un corps suggéré, en mouvement qui prend le spectateur par surprise, lorsqu’au-delà du mouvement de la peinture il découvre, appréhende  les éléments du corps.
Le dessin s’imbrique dans une gestuelle calligraphique à la peinture à la gamme chromatique limitée : noir, brun, parfois un peu de rouge.
Pas de visage, juste des éléments du corps saisis sur l’instant comme s’il attendait que nous l’ayons identifié pour changer très vite de position.
La gestuelle du dessin comme celle de la peinture est forte. Marie-Christine veut saisir l’instant et passer très vite à une autre posture.
Seule une longue pratique des gestes cent fois, mille fois répétés lui donne cette virtuosité, cet équilibre entre le dessin et les mouvements de la peinture.
Jamais le corps n’est pris dans sa totalité ce qui accentue l’impression de mouvement et donne au corps une grande liberté car ainsi il suggère plus qu’il ne montre.
Un pied, une main, un sexe, un sein… debout, assis couché… le corps est là dans sous ses états, dans toute sa force, sa sensualité. Il parle, nous parle.
La philosophie de Marie-Christine en quelques points :
      Accepter ce qui vient sans me juger
      Ne pas enfermer mon regard dans des a priori formels
      Développer l’art de discerner l’inhabituel dans d’habituelles apparences
      Remettre en question mes acquis en respectant mon univers
      Garder le sens du risque
      Être un capteur récepteur comme un « gestionnaire du hasard »
      Percevoir le tracé que j’appelle « vivant ou habité » et éliminer ce qui ne l’est pas
      Mettre parfois en faux mes propres règles pour accéder à de nouveaux territoires
      M’abandonner à l’instant
   Avoir le geste juste comme intention pour une matérialité sereine
   Orchestrer la dextérité du geste, l’étude du sujet et l’accident pouvant survenir
   Travailler plutôt sur un temps court mais intensément

   S’autoriser aux transformations et déformations de la réalité jusqu’au paradoxe


vendredi 20 juin 2014

FLORENCE BANDRIER (Thierry Gaudin)

L’écrit des dits de l’écrit
Les édits dits de l’écrit
L’écrit des dits écrits
Les cris du dit écrit
Dits écrits de l’écrit
Les écrits des dits de l’écrit
De la typo réforme
Du graphe prend le cally 
Tout décalé mais certifié
La sangle du savoir détissée
A la réforme le surligné
Celui qui norme l’informé
Du dit écrit est-ce le gène
Ou l’indigéré du fort moulé
Le phylactère bouffe la case
Et casse l’accusé de réception
Un roi s’offense que ça pense
Indifférence et pied de nez
Tire la langue Albert au p’tit Robert
L’intitulé prend la consigne
Et vide la panse du verbe
Avérée la geste se disperse
Et croque en marge le messager
Habillé en pied de moule
Le dit d’écrit décrit et puis
Écale l’écorce ferme des impensés
Cachés planqués dessous la nasse
Le siège depuis est en réserve
Poids noirs posés dessus la verve
Il plie et casse la majuscule
La casse des doigts coud  paraphrase
Aux peaux  des strophes administrées
Ça biffe au singulier
Ça single à toute vibure
La touche enfourche le véloce
Et court sans perdre la laine
Des cuirs trempés dans la pléiade
La bulle dévore en antiphrase
Le silence  entier des formulaires
Les nerfs des mots bien arrangés
S’exfolient en stases exposées
Le non dit des écrits mis à plat
La logorrhée des logos git
En extases extrapolées
La géométrie du verbe 
S’expatrie hors du contexte
Excoriée la forme à l’air
D’une grammaire en émulsion
L’écrit de l’écrit dit forme
Déforme et réforme du littéraire
Les carènes sur des aplats
Où les épaves signent
Et dévoilent le jusant des écrits

Estran polymorphe des non dits de l’écrit

jeudi 19 juin 2014

CORINNE HERAUD : LES ÂMES SILENCIEUSES (Thierry Gaudin)

Dans le puits puissant des peaux lisses
Des esprits vivants poussent l’huis
Perdus entre mémoire et vigilance
Ils lancent dans le silence
Des évidences sans fond
De sels et de sondes
De miels et de rondes
D’ondes sassées sur missels intimes
Entre le réel tout fard épousseté
Miroirs d’ivoires des avoirs métamorphisés
Où le visage se sait sans savoir
Regards retournés
Spectacles sacrés sur l’autel de l’évanescent
Où Ève ou Lilith ou Marie ou Madeleine scrutent leurs beautés
Dénoncent du moment son mensonge latent
Les nuits du dedans débordent
Lucides elles tentent de franchir le seuil
Du sensible sans espoir autre que puiser
Sans s’épuiser l’être de l’être
Les yeux tendus au-delà du cristallin
Poncent les à-peu-près
Prêts à saisir du bout des mémoires innervées
La persistance des voiles jetés après regards
À rebrousse temps dans l’espace des pellicules
Entre derme et craquelures
Les émulsions affleurent sur les eaux des naissances
Frissonnent les poussières des ans

La source se sait et persiste à signer
De l’apparence l’évidence feutrée
Sur les marges des ombres
Des instances esquissent
Leurs existences insoupçonnées

Les nuits du dedans épousent l’aurore
Inséminée de souvenances et de résurgences

samedi 14 juin 2014

SARAH BOULAY, D’UNE PIECE A L’AUTRE…(Stéphane Arrondeau)

Sarah BOULAY
Quand on pénètre chez Sarah Boulay, on traverse en premier l’atelier, fait inhabituel chez les artistes. Une simple verrière le sépare des pièces d’habitation où elle vous accueille autour d’un café. Cette porosité apparente des espaces reflète, en réalité, l’unicité du personnage. Au mur et sur les meubles figurent, en bonne place, certains de ses travaux antérieurs ainsi que ceux d’amis croisés à l’Ecole des Beaux-Arts du Mans. La figure paternelle n’est pas absente, et les souvenirs de voyages sont aussi des œuvres d’art…


Au quotidien Sarah enseigne à des collégiens et à d’audacieux lycéens qui ont choisi l’option artistique dans le cadre austère de leur baccalauréat.
Retour à l’atelier. Une nouvelle série est en cours. Sarah passe d’une pièce à l’autre. Des petits aux moyens formats. Elle semble hésitante dans ces commentaires… Cependant il nous tarde de découvrir ce nouvel univers. Un univers végétal, accompagné d’un patient jeu d’écriture graphique en noir et blanc, et tout en rondeur. L’humanité n’a, semble-t-il, laissé aucune trace de son passage…


Pour évoquer finalement ces toiles transformées en bas-relief par l’apport de cactus séchés (des « coussins de belle-mère » selon l’expression populaire !) Sarah parle de dualité, de confrontation entre force et douceur, ainsi bien dans l’opposition des formes que dans le choix des matériaux, une constante dans son travail. Un doute, toutefois, s’empare du spectateur. Et si, à bien des égards, la vraie « dualité » de cette œuvre se situait ailleurs ? 


Entre, par exemple, l’infinie pudeur et l’extrême délicatesse de la réalisation, et la puissance  des formes de l’anatomie humaine qui surgissent brutalement, dès lors que notre regard épouse la pensée intime de l’artiste !