mardi 19 novembre 2019

BRIGITTE LURTON : 58 M d'HUMANITÉ (Michel Foucault)


Un rouleau de calque serpente sur les murs, sommairement suspendu à l'aide de pinces et de fils. Y aurait-il erreur et serions-nous entrés dans un bureau d'études ? Dans un dispositif volontairement dépouillé, Brigitte Lurton invite à rompre avec nos habitudes de regard. Impossible de s'installer confortablement devant ce qui est à voir. Impossible de saisir le rouleau de calque dans sa totalité puisque le début et la fin demeurent enroulés sur eux- mêmes. Quelque chose est à l'œuvre, quelque chose est en cours sous nos yeux. Il s'agit d'aller y voir de plus près.
Un fil rouge invite à s'approcher et à parcourir la longue fresque où se déploie une multitude de personnages surpris par notre regard. Qui regarde qui ?  Dans un curieux jeu de miroir, on reconnaît nos frères et nos sœurs en humanité : un membre de la famille, un voisin, un ami, une rencontre de hasard. On est tout de suite happé par les regards de ces humains qui nous ressemblent tant. En multipliant les techniques graphiques, le dessin de Brigitte Lurton capte avec générosité la beauté unique de chacun en même temps que ses fragilités.
Nul contact, nul regard entre les individus qui se succèdent sur le fond saturé d'écritures dorées. Les mots et les chiffres proviennent de relevés statistiques concernant la consommation mondiale et demeurent difficilement déchiffrables. Les personnages semblent nous implorer de les sauver de ce flot d'écritures qui menace de les submerger. Métaphore d'un monde déshumanisé où l'individu craint de ne plus avoir prise sur son devenir. L'œuvre inquiète de Brigitte Lurton est un appel : comment retrouver un langage qui permette de retisser les liens entre les individus ? 









jeudi 17 octobre 2019

KRISTIAN DESAILLY (Nicole Anquetil)

Kristian DESAILLY





Kristian est une force de la nature, un colosse qui mord la vie à pleine dents, nous embarque à sa suite dans un tourbillon insensé d’activités et de réflexion au rythme des stridulations des cigales. Il est genévrier robuste et rustique, sauvage comme le thym, encré solidement sur ses deux jambes dans le roc abrupt des contreforts  de la Montagne de Lure, grand résistant aux coups de soleil, de vent et des aléas de la vie.
Avec  puissance et courage comme les défricheurs/ bâtisseurs,  il passe des outils de jardin, de charpentier, de cuisinier aux pinceaux pour affronter avec la même énergie les escarpements de sa Provence et  le lin de ses toiles.
En mouvement constant, il répare la piscine, prépare un repas pour vingt personnes, va embrasser sa vieille mère adorée et aujourd’hui décédée, construit son nouvel atelier, dévale à 5 heures du matin sans chapeau ni eau les chemins raides du vallon de la Sénancole, remonte avec la même ardeur fier de l’effort et heureux d’avoir réservé à ses chers amis la surprise du vieux moulin à huile accroché à la falaise ou la grotte cachée sur le chemin périlleux  de l’abbaye de Sénanque, dévale les pentes caillouteuses du chemin blanc vers la vallée pour les dernières courses du soir. Epuisant mais jamais épuisé, on le surprend tout à coup rêveur amoureux de ce coin du Luberon dans lequel il vit depuis son enfance, les yeux plein des lumières du ciel de ses nuits à la belle étoile.
C’est un homme authentique tout comme sa peinture, vivante et libre, forte et colorée, plages d’acrylique marquée, rayée à grands coups de fusain, de craie ou de pastel. Kristian sait ce qu’il veut faire dans cet apparent monde imaginaire d’oiseaux, de poissons, de crêtes de coqs, d’écailles, de coquillages, de pistils, de soleils et de lunes… Sa peinture est ouverte, pleine de sourires, d’éclats de rire laissant à peine déceler les marques d’ombres ou traits cinglants de la vie. 
Ses toiles sont l’expression d’une liberté du regard sur ce qui l’entoure, un apparent méli-mélo d’un visionnaire qui décortique le monde. Son univers pictural reflète le paysage de sa vie, remplie, volontaire et libre. C’est une peinture généreuse qui donne autant à voir qu’à méditer,  peinture sans entrave qui invite à rêver sans hésiter, peinture rassurante réminiscence de l’enfance tout autant que l’expression d’un sage, peinture gestuelle affirmée et décidée comme sa passion pour la vie, l’amour et l’amitié.






MELANIE PASQUIER : A L'ORIGINE DU MONDE (Michel Foucault)


C'est un curieux voyage auquel nous convie Mélanie Pasquier. Il suffit de plonger dans ses grands fonds aquatiques et laisser son regard dériver au gré des formes flottantes qui se présentent sur son passage. Au hasard, on se surprend à rencontrer pêle-mêle des algues et toute une flore sous-marine.  La végétation est décrite avec un souci du détail évoquant le réalisme des gravures d'une planche botanique. En même temps des tentacules disproportionnés nous entraînent dans un univers onirique mi rassurant, mi inquiétant. Il faut accepter de perdre pied dans ce fourmillement de détails rempli de vie rappelant l'extrême profusion des tableaux de Bosch. 
En poursuivant cette plongée décidément peu ordinaire, des formes humaines surgissent: un cerveau gît dans un fond sous-marin, un œil géant se déplace tel une méduse, des cavités organiques sont gorgées de cellules prêtes à se disperser. Plus loin des formes animales inattendues font leur apparition: la queue d'un chat, des pattes de cervidés, une oreille de lièvre. Humain, animal et végétal marin ou terrestre, tous les règnes du monde vivant sont convoqués dans un fascinant délire visuel.
 L'artiste ne fait aucun mystère sur ce qui a généré ses peintures. Elles furent toutes créées lorsqu'elle attendait la naissance d'un enfant. Ici la main ou la jambe potelée d'un bébé traverse le premier plan de la toile, là un corps nu de femme navigue dans le lointain. Le travail de Mélanie Pasquier porte les traces vibrantes des espoirs mais aussi des angoisses d'une femme qui ressent à l'intérieur de son corps les métamorphoses et les mystères d'un être en devenir. Les titres «Polyphème», «Niké» ou «Nausicaa» proposent d’effectuer une remontée dans l'histoire de l'humanité. Cette plongée hors des espaces connus pourrait être également une invitation à voyager à travers le temps. Mélanie Pasquier donne à voir le trouble que l'on peut ressentir devant les mystères de la vie depuis ses origines. 



mardi 24 septembre 2019

DANIELLE DELGRANGE (Michel Foucault)





Le paysage est au cœur des préoccupations artistiques de Danielle Delgrange. Ce qui n'a pas toujours été le cas. Il était particulièrement intéressant d'effectuer un parcours sur les œuvres présentées lors du Puls'Art 2019. Dans les portraits plus anciens, la touche expressive met en valeur l’intensité des visages et des regards théâtralement mis en scène sur des fonds neutres. Tout le dispositif pictural est mobilisé pour mettre en valeur les diverses expressions des corps ou des visages. Dans cette veine, un nu féminin vu de dos est magistralement offert au regard dans un superbe écrin de rouges flamboyants.
Deux œuvres récentes ont particulièrement attiré mon regard parce qu'elles introduisaient une rupture dans le travail de Danielle Delgrange. «Perce-neige» où le torse nu d'un jeune homme semble faire corps avec le fond de nature. Nulle rupture entre le corps et le décor naturel, tous les deux sont peints avec la même touche expressive et les mêmes couleurs. Dans «Étude automne, visages», ce rapport étroit entre la présence humaine et celle de la nature est accentué  par l'hésitation du regard : entre les deux visages et la guirlande de feuillage qui les relie, il ne sait auquel donner le plus d'importance. Règne végétal et règne humain sont inextricablement reliés dans un même univers.
Cette nouvelle approche trouve son aboutissement dans une toile intitulée «Eliott dans la forêt». Un enfant vu de dos fait face à une succession de vagues colorées qui paraissent le submerger. Il ne paraît nullement effrayé par la profusion des taches qui éclaboussent la quasi-totalité de la toile. Nulle menace dans cette liberté de gestes et de couleurs. Au contraire une nature généreuse accueille avec bienveillance le corps fragile de l'enfant et l'enveloppe de ses chaudes harmonies. Dans ses portraits ou dans ses paysages, la même touche énergique de Danielle Delgrange est toujours présente pour évoquer et suggérer la présence du vivant. Belle quête attentive pour interroger la même énergie vitale qui réunit notre présence au monde et notre environnement.




samedi 21 septembre 2019

DOMINIQUE BRIZE : LA COULEUR EN DIRECT (Michel Foucault)




Lors de la présentation de son travail au cours de Puls'Art 2019, Dominique Brizé avait installé une chaise au milieu de son espace. C'était une invitation à se poser, à s'arrêter, à prendre le temps de dialoguer avec les toiles qui s'offraient comme autant de fenêtres ouvertes à l'imaginaire du visiteur. D'emblée le regard est sollicité par les couleurs vives qui organisent entre elles un généreux bouquet de lumière. C'est un ballet, c'est une symphonie. Bruyant diront certains, joyeux à n'en pas douter. Le plaisir du peintre à jouer avec les couleurs est évident. Dominique Brizé est prêt à toutes les tentatives mêmes les plus risquées. « Certaines couleurs ne sont pas faciles à apprivoiser. J'ai beaucoup de mal avec les verts. ». Alors il ajoute du bleu: « Le bleu c'est plus rassurant ».
Aucune forme ne s'impose pour se raccrocher au réel. Le spectateur est invité à jouer avec les propositions colorées pour créer son propre parcours, son propre cheminement, ses propres histoires. En faisant dialoguer les couleurs entre elles, de nouveaux espaces s'organisent. Ici un rectangle bleuté devient une fenêtre ouverte sur le ciel ou le reflet d’un miroir, là  une surface blanche installe une  silhouette lumineuse en premier plan. Parfois des cernes noirs ou bleutés viennent renforcer le surgissement des images. Progressivement un théâtre d'ombre et de lumière se met en place, il se charge de souvenirs de scènes vécues ou de réminiscences des maîtres anciens. On peut penser à des scènes d'intérieur intimistes évoquant Matisse ou Bonnard.
Passer un moment en compagnie de Dominique Brizé est un réel moment de bonheur partagé. Il aime communiquer son étonnement devant le surgissement de ses créations dont il dit ne pas en être complètement le maître. Devant tant d'audace et de spontanéité maîtrisées, la vie soudainement reprend des couleurs et du souffle. On en sort tonifié et ragaillardi.






dimanche 18 août 2019

ISABELLE MILLERET (Thierry Gaudin)






Évanescence confluence / Retour Migration / Oiseau de paradis / Illusions / Plasticité / Conversation entre présence végétale / En vol toi et moi / Apesanteur la belle saison invite aux ascensions / Un papillon / Offre à la vie son totem / Les impulsions de la matière / Apparemment immuables / Le retour vers l’impensé / Quand la subtilité des masses / Ouvre des espaces où / Les idées se meuvent / Et prennent par la main / Les yeux les éthers / Où Baudelaire invite à l’envol / Oiseau subtil / Qui contre dit la pierre / Et se marie à elle / À ailes celles qui affirment / L’allusion / L’efflorescence se défrime et perd / Son inverse lourdeur / Et découvre sa vélocité / Évacuant vers les nébuleuses / Les nageurs morts / Qui suivent leur cours / Chaque jour s’ouvre au cœur / Du marbre et appelle la dualité / La parole malléable opère et offre / Aux matières des rimes / Des versifications inédites / Des élégances et des évidences / Des injonctions à se marier / Intimement / Dans le placide / Le possible des intermittences partagées / Icare recolle ses pennes / Et s’en vient dialoguer / Avec le spectateur qui devient acteur / Dialogues multiples qui se dédoublent et plantent / Dans les atomes et autres particules / Du conscient par évidence / Par injonction / Palpations / Précisions / Et structuration / De la pierre nait / Le centre dit / Sa vérité et cèle / Les regards / Assurant aux yeux des sièges / Lors de crépuscules ouverts / Aux aurores inconnues / L’or d’aubes éblouies / Les aires se multiplient / Dénonçant du sensible l’apparence / Les mots s’étreignent / Et puisent en eux mêmes / Les vagues et les plissures / Les ondulations les vagues / Les mouvements / Les irisations / Des présences indurées / Le gardien ouvre les portes / Et fait naître des couvées / Des nichées des providences / Aux accents inénarrables / …





lundi 12 août 2019

CORINNE LEPEYTRE (Thierry Gaudin)


De bas en haut / Des tropiques à la rue d’à côté / Piaf Érasme boulevard toits / Trottoirs coin de nuages / Métaux et bétons bruts / Déambulation tous azimuts / Horizons inventoriés sans échelle de prix / Autre que le regard / Qui nourrit le bras la main / Le geste généreux / Qui dévoile tous les horizons / Du haut vers le bas et inversement / La main voit / Et trace la voie / La voix du silence / Images réécrites à même / Les expressions induites / Elles entrent voient et dévoilent / La main empreinte / À l’œil et aux pieds aux cheveux / Aux membres aux articulations / À tous les fragments / À toutes les émissions d’ombres / Et / ou de lumières / À toutes les articulations dans le spectre / Du regard qui quête / Puis offre / Dans l’irisation des noirs et blancs / Traductions dans l’infini des gris / L’attirance la confrontation / La séduction la réévaluation / La prescription des on dit / La perception par impressions / Suggestives intuitions / Dans les perceptions discursives / Discussions entre l’à-peu-près / Et le vérifiable / L’allusif et de définitif  / Des angles et des courbes / Des droites et des précipités / Des points de suspensions / Des courbes et des ellipses / L’agilité des empreintes / Prête aux yeux / Des intelligences / Offre des présences / Une nouvelle approche / Présciences qui dépasse l’immédiate perception / La virgule qui donne à revenir / Le point qui offre à relire / L’ouverture à une autre revue / Des marionnettes qui ne se savent / Les escalades les escapades trop vite inscrites / Dans le déjà / Revenir / Revoir et errer pour se souvenir / Éclats de mémoire encrée / Et révélée / Sur la pulpe des matières grises / De Paris aux Indes / Les fils tendent des fils / Qui se rejoignent / Dermes et épidermes diffus / Au coin des rues des ciels / Des bétons des bitumes / Des rugosités des aspérités / Des glacis des crevasses / Des surfaces pauvres et/ou riches / Matières recherchées matières ordinaires / Dépréciées dépravées / Que la mise en valeur inaugure / Les nerfs du sensible se nouent / Et disent du visible / Des histoires et des récits / Sagas et/ou simples injonctions / Qui viennent du gris des encres au gris de la matière / Entretenir l’intelligence du regard …