dimanche 30 juin 2019

YVES BARRÉ : SOL, SOLEIL, L'ŒIL ! (Yannick Lefeuvre)




Immédiatement, sur ses toiles, la joie de la couleur explose, on en ressort nimbé. Ses tableaux racontent le jour ensoleillé du monde, on prend en pleine face un coup de jeunesse heureuse. Une confiance revenue, un pas alerte dans la tête, un jeu de quilles sur le bord des lèvres, on respire avec lui. Puis tout de même, une fêlure juste au coin de l'œil, au bord des larmes, juste un petit coin salvateur par où passer. Alors, le public en confiance ose se faire oiseau, souris ou dragon car il y a là seuil à franchir, porte à ouvrir et tout à coup tant à se dire. Il donne alors processus à ces cheminements picturaux, des structures proches du symbole, des ruptures fécondes de pensées neuves et surtout ce par où il passe donne sens au désir. Mais loin de lui les prises de tête, le verbiage abscons, la parole inutile, c'est vers la tendresse qu'il déploie les poils vibrants de son pinceau sur des toiles généreuses pétries au levain dans leurs sobres carrés. Pinson, vers le jeu de vocables, vipère vers le poème sans virgule ni poing, légers zéphyrs vers les mélodies de la vie. Pas à pas, seconde après seconde, de souffle en souffle, il avance et on le suit. Yves Barré, artiste atypique, le génie de la surprise en bandoulière trace sa route originale, féconde et pleine de vie. Il aime quand lui même surpris par ce qu'il donne, surprend celui qui éberlué partage le rire avec lui. C'est une façon si rare d'être artiste que le bonheur de le connaître nous ravit.





mercredi 19 juin 2019

ANNE LESCA : LA ET LA ! (Yannick Lefeuvre)





Elle s'appuie sur le vent et donne ainsi mouvement à ses compositions. De là, jaillissent de fines toiles, des liens ajourés, des filets aux fins maillages, des colliers de sensations aériennes. Il y a là une apparente simplicité qui coule de source. Les couleurs tout à coup complices disent leur plaisir de tant de résonances intérieures. Que ces masses, formes et sculptures comme autant de nuages laissent filer leurs pluies fines est une joyeuse surprise visuelle. Il y a aussi dans le cheminement rigoureux de Lesca Anne un désir de retrouver l'origine de la matière céramique ... terres cuites et pourtant contenant en elles des envols, des montées possibles vers les premières herbes, les élans sensuels, les attaches amoureuses, les éclaboussures, les mousses, les chevauchées. Là où la pensée n'y peut pas grand chose sinon parfois un mot qui s'échappe et s'inscrit sous la toile (antique, daï, earing et Dieu sait quoi!), heureux de sa consistance, il nous envole ainsi nommé et c'est très rare. Un coin de stupeur enjouée, juste pour se relier avec les esprits de ses œuvres si originales qu'on en ressort étonnés d'aller, de marcher, d'avancer dans son sourire.




dimanche 16 juin 2019

MARC LIMOUSIN : SUIVRE LE FIL ... (Yannick Lefeuvre)


Photo Evgenia Saré
Marc LIMOUSIN



Marc Limousin tente de capter les sensations venues du monde, celles d'un Rimbaud, du «  picoté par les blés » qui de cette émotion le mène à «  fouler l'herbe menue ». soit un geste artistique. Un « jeté du bras » qui vient en réponse au bonheur d'avoir reçu, à la joie d'être là, au don d'en traduire quelque chose. Pourtant, il reste humble dans son exploration. Il s'exerce à mille et une tentatives pour cerner la merveille. Et celle là, vue au Mans ce week-end, une simple ligne qui relie trois concentrés de formes-couleurs. C'est si simple que le public s'interroge et parfois passe à coté. Quelques uns y voient une ligne d'erre pour écrire, d'autres une arabesque calligraphique et pour ma part, je veux y voir une note qui va vibrer dans les en-dedans mais aussi les transporter de l'une à l'autre sur une vibration musicale tenue à travers et au-delà … qui de l'origine aux confins va s'effilochant dans l'univers. La ligne musicale éclaire, relie et touche les espaces de sensations à la teneur, terreur et bonheur de matières emmêlées charnelles et parfois sculptées. Parfois, il ose la structure des cartes, tenté aussi par la géographie comme autant de tentatives vaines de retenir, d'asseoir et de repérer les fugaces impressions venues des territoires du monde. En fait, toute matière semble reliée par un lien musical. Un lien harmonique entre petits ou grands chaos. Ce serait une ligne de front insaisissable qui nous invite à vivre l'horizon non comme limite ou frontière mais comme relais de nos désirs sensibles. 
Le plasticien funambule avance sur ce fil et vous salue d'en haut sans oublier de vous tenir la main en bas afin que notre regard confiant s'ouvre à la beauté du monde..





NICOLAS CROUIGNEAU : POINT A LA LIGNE … (Yannick Lefeuvre)




S'il y a un reflet possible du monde actuel, Nicolas Crouïgneau nous le livre tout en perspectives, avec des cadres urbains aux structures elles mêmes encastrées qui deviennent ces espaces à arpenter sans idées précises, de là à là et de plus en plus vite. Les êtres s'y déplacent, les longent, parfois y plongent comme dans une piscine ou y grimpent avec fièvre et honte ou même s'y renversent surpris de tant de vacuité. Il peint avec talent en grand connaisseur des effets de la peinture un urbanisme sans sol, aux transparences colorées avec un soin et une propreté cliniques, des ciels reflets et des couloirs indécis quoique serviles d'un management invisible. Il ose aussi plus profondément le frottement d'un masculin d'équerre aux courbes sensuelles d'un féminin désarçonné. Si sa mise scène crée un espoir entre ces deux là, l'artiste ne fait pas que constater, il envisage un avenir possible. L'artiste soupçonne qu'un désir plus humain pourrait poindre son nez, saurait jaillir de ses toiles ainsi conçues dans l'esprit pétrifié du public. Mais là sur la toile de fond, hommes, femmes, enfants et personnages identifiables ne font que s'y inscrire sans autre réalité que de passer par là, y allant, s'y inversant, s'y mirant, s'y dénudant banalement avec des gestes las. Le regard sans consistance porte son désir morbide sur des ailleurs indéfinissables. Il suffit de vaquer dans un centre ville pour entendre le propos de l'artiste car au fond, c'est bien comme ça qu'on s'y déplace le plus souvent. Alors, bizarrement, on s'y reconnaît dans ces toiles, on le vit parfois ce désarroi impalpable où chacun erre à sa façon dans ces espaces modernes impeccables mais qui ne conduisent nulle part, qui n'invitent à rien, qui volent des libertés qu'on aurait d'ailleurs aujourd'hui du mal à définir. Pourtant sa peinture difficile ne s'enferme pas sur elle même. Elle oblige donc le public dérouté à y revenir, à y regarder de plus près pour se donner du temps et peut être entrevoir autre chose. Il pressent qu'au delà de ce monde désincarné une autre terre se dessine. Le peintre facétieux, sans concession mais méticuleux souhaite peut être avec nous une fois le constat fait, tisser un autre rêve pur l'humanité.