mardi 29 avril 2014

SylC : SUR LE MIROIR DES FAÏENCES... (Yannick Lefeuvre)


Une étrange douceur du visage, contredite immédiatement par la fixité d'un regard qui s'adresse à nous, déploie une tension proche du ravissement. Des coulures nacrées et volubiles qui vont de l'abstrait indéchiffrable à l'évidence des figures de madone, vibrent dans un flou diaphane cerné parfois d'un trait blanc net et bref. Avec la constante présence animale qui se tient auprès de l'enfant-fille-femme telle une enfance à portée de main. La violence chatoyante des couleurs vives et la présence familière de ces mains spectrales, ces géantes inattendues, prêtresses d'un savoir tabou, accueillent avec tendresse le reflet de nos yeux. Ainsi notre vision renaît et se déploie sans complaisance en des lieux de soi où l'amour réciproque a disparu.

Avec un refus obsessionnel toujours réitéré, elle tourne le dos à la mièvrerie tout en s'adonnant corps et âme à l'inaltérable beauté féminine. Ce refus du mièvre s'éploie encore et encore dans une animalité à la présence parfois menaçante. Les belles... sirènes... chaperons... déesses issues de la respiration des virgules et sous emprise laissent libre cours à la bestialité qui rougit l'enfant. Elle sacrifie l'être tranquille et endormi à une dévoration tragique.

Dès l'origine de ses toiles, une déchirure marquée par l'ombre pour des visages tranchés, fruits mûrs ouverts, sensuels à croquer mais séparés résolument par la coupure du sombre et de la lumière. Dans les senteurs inestimables de la petite enfance, dans les courbures parfaites des résurgences de glaces bleuies, d'oranges moisies, de verdâtres humidités, la perfection trahie devient sublime. Elle chuchote à notre oreille qu'il n'est de beauté que rendue à l'humaine réalité. Par le truchement des subtiles et vives teintes coupantes, durcies aux feux intérieurs, elle ouvre les esprits à l'essence de l'art où violences, douceurs et espoirs s'inclinent devant le réel en phase avec un geste pictural juste.

SylC trône sur notre fond d'écran en écho au tableau accroché dans notre salon. Elle est donc vue et sue au quotidien mais l'énigme perdure intacte. Je tente une résolution car elle me semble malgré l'inexplicable de ses toiles, un désir toujours à la tâche d'un possible devenir.

A la fleur de l'émotion aux rougeurs violentes pour vouloir, aux nuances glacées coupées au tranchant des couteaux pour distinguer, à la noirceur bestiale des présences animales prédatrices pour révéler, elle oppose chaleur et froidure dessinant une évidente frontière. C'est ça le secret, la frontière toujours, lieu de tensions, de cris d'amour et d'élévation. Elle se tient et nous tient sur la bordure, sur le tranchant de la bascule, au seuil de la falaise. Elle peint par nécessité pour nous dire la vie, la véritable selon elle. Pas facile, pas donnée mais puisée, creusée jour après jour dans les éclats neufs de la patience du désir.