mardi 15 novembre 2011

KUU, REVUE D'ART EXPERIMENTALE (Rédaction)


KUU (se prononce Cou-ou et signifie le vide en japonais) est une revue d'art expérimentale, un laboratoire, conçue et réalisée par les peintres Eric Meyer et Ivan Sigg.


L'idée première des deux artistes fut de ramener au papier ce qu'ils développaient sur leurs blogs respectifs, leurs échanges et leurs partages plastiques et graphiques, leurs boomerangs postaux, leurs métamorphoses de unes de magazines, leurs mots. KUU c'est le vide , l'absence de but et d'a priori qui permet de tout accueillir, l'ouverture du champ des possibles...


La revue se veut donc ouverte et imprévisible et se nourrit des frictions joyeuses entre la peinture, le graphisme et la typographie. Eric Meyer et Ivan Sigg veulent (s') étonner et (se) surprendre. Ils prolongent l'idée de l'art en mouvement, vivant, en rehaussant chaque quatrième de couverture d'une oeuvre originale réalisée à quatre mains, faisant de chaque exemplaire un unique et la possibilité pour tout un chacun de tenir entre ses mais une oeuvre d'art.


La revue se propose donc d’interroger la belle idée de création collective : peut-on créer collectivement et cela peut-il produire des formes neuves, des liens nouveaux, un regard non fragmenté et toujours neuf sur le monde ? Pour cela Eric Meyer et Ivan Sigg ont ouvert les pages de la revue à des photographes, des mailartistes, des chanteurs, des poètes. Ils sollicitent les créatifs de tous bords : sculpteurs, jardiniers, paysagistes, poètes, architectes, cuisiniers... et invitent tous ceux qui le souhaitent à partager regards et pratiques.


KUU by Meyer & Sigg est également devenu l'association de deux peintres, un collectif, ayant décidé de travailler ensemble et de mutualiser leurs énergies créatrices, leurs formes et leurs couleurs, mais aussi de se surprendre mutuellement pour donner naissance à de nouvelles images.Aussi multiplient-ils les expériences et les aventures artistiques, en peignant et en dessinant ensemble sur les mêmes supports, en créant des affiches, des illustrations.


Le numéro 2 de la revue vient de paraître : plus d'infos sur www.ku-u.org

Quelques illustrations et travaux collectifs sur www.ku-u.org/portfolio_kuu.html

lundi 14 novembre 2011

LES MONDES PARALLELES DE MICHEL LAGARDE (Ludovic Duhamel)


L’art photographique de Michel Lagarde rappelle sans doute, en moins sombre, celui du couple américain Robert et Shana Parke Harrison (cf. Miroir de l’Art n°2). Il existe en effet une parenté indéniable, tant dans la préparation méticuleuse de la mise en scène que dans le résultat final, entre ces deux photographies atypiques. 
Pour autant, chez Michel Lagarde, l’aspect burlesque des situations et l’indéfinissable dégaine des personnages, donnent à l’image une tonalité particulière ; nous voici plongés dans un monde parallèle, aux frontières du réel. Et l’on reste songeur : doit-on rire, ou pleurer, face à ces portraits gouailleurs ?
Il y a du Buster Keaton dans cette photographie qui oscille entre comique et tragédie. Et c’est bien la volonté de l’artiste qu’il en soit ainsi : «La tragi-comédie est un art majeur de narration, elle permet à l'image de transmettre toutes les formes de sentiments, de mettre en scène des personnages marqués par la vie» affirme-t-il. Ainsi l’ouvrier aux traits tirés, harassé par son labeur quotidien dans l’usine que l’on aperçoit au second plan, sous un grand ciel ravagé, apparait seul sur un chemin de fange, et l’on ressent toute la sordide réalité du productivisme maintes fois dénoncé par les grands auteurs réalistes, Zola en tête.
Toutefois, l’homme tient une faucille à la main comme on tient une arme qui s’est enrayée, et ce bout de symbole communiste, suffit à lui seul à dérider la situation, à alléger le propos. Faut-il en rire, faut-il en pleurer ? Michel Lagarde ne donne pas de réponse et suggère habilement l’éternel mouvement de balancier de la vie. Ainsi, devant cet homme canon aux côtés de son manager, les mêmes sentiments contradictoires s’affrontent et enrichissent notre perception d’un monde insolite et savoureux. Doit-on siffler la morgue du second, cigare au bec, riche de toutes ses certitudes, ou déplorer la naïveté du premier, grand dadais sans cervelle ?
Ainsi, pour ce joueur de football, dont on ne sait s’il faut moquer l’air ahuri, après que son équipe lui ait fait faux bond, ou louer le courage de fouler un terrain particulièrement détrempé, par un temps à ne pas mettre un homme en short dehors. 
Idem pour ce souffleur endormi dans le théâtre vide, épuisé par les actes manqués, dont on mesure la solitude à l’aune des sièges désertés, et qui cependant a trouvé dans les textes de quoi nourrir ses rêves.



dimanche 6 novembre 2011

SYLVIE LOBATO : LES VIBRATIONS DE L'AME (Lucien Ruimy)

Sylvie Lobato est une artiste discrète, mais sa peinture est forte. Les corps qu’elle peint en élévation ou en chute sont d’une grande intensité, ils expriment toutes les contradictions humaines. Le beau, le laid, les joies et toutes les souffrances qu’une vie peu engendrer.
Autant  les peintres de la renaissance peignaient la surface lisse de la peau, autant Sylvie rentre à l’intérieur du corps avec une sarabande de coups de pinceaux, elle donne vie à ce qui est à l’intérieur de chacun de nous. Le corps peint devient le siège des émotions fortes, l’objet du désir, celui que l’on envie de recueillir dans ses bras. De lutter par l’esprit, par la force des pigments  contre la Gravité   qui nous projette vers le sol, le bas.
Il n’y a là aucune leçon si ce n’est celle de la vie à consommer sans modération.
Cela explique sans doute l’intérêt de Sylvie Lobato pour la danse, les sauts, les tensions du corps sont poussées à l’extrême.

Ce qui fait aussi l’intensité visuelle des tableaux c’est tout un travail sur la texture de la peinture, sur les transparences. Les contrastes entre les corps suspendus et l’arrière plan, très travaillé, de la toile.
Et puis, en cherchant bien on trouve aussi des toiles pleines de tendresse.




Une vidéo sur son travail :

vendredi 4 novembre 2011

HELENE DE ROUX : LE FEU INTERIEUR (Ludovic Duhamel, Rédacteur en chef du magazine Miroir de l’Art)


Il ne saurait exister d’art, et a fortiori de photographie, sans que l’artiste possède au fond de lui le feu sacré. Le feu intérieur. Cette espèce d’exaltation permanente qui lui accorde d’obtenir l’énergie nécessaire à la réalisation d’une vie toute entière tournée vers la création. Cette ardeur qui ne s’achète ni ne se transmet, dont le rayonnement nous enveloppe, de toute évidence, dès le premier regard posé sur les images d’Hélène de Roux.

La photographie reproduite ici se nourrit d’abord et avant tout de cet embrasement perpétuel. Il y frémit une ardente passion pour les beautés du monde, pour tout ce qui témoigne de la condition humaine. Un enthousiasme incandescent qui évoque avec chaleur notre époque, sous toutes les latitudes.
Les images glanées avec infiniment de patience par cette photographe au demeurant très peu prolixe, et dont il convient de souligner qu’elle ne se cantonne pas dans un genre unique, confortable et définitif, mais s’applique au contraire à développer un regard tous azimuts, prennent le pouls du monde, mine de rien, sans en rajouter plus que de mesure, avec une sorte de distanciation indulgente, celle d’un témoin conquis par ce qu’il observe.  Se révèle dans ses photographies sa volonté d’être en osmose avec les êtres, le décor, l’atmosphère.

Les photographies sont prises à main levée, sans pied, sans fioritures, et gardent de fait fraîcheur et spontanéité. Il s’agit de donner à voir, de témoigner de la poésie aux multiples visages du paysage comme de la société, des complexes visions qu’ils offrent à qui sait voir, presque de communier avec eux. Il s’agit de s’astreindre à un résultat parfaitement abouti, pour lequel la lumière met en exergue les perspectives, où les contrastes donnent un éclairage inédit au sujet. Il s’agit pour elle, à chaque cliché, de dire juste.

Le regard d’Hélène de Roux s’exonère cependant de toute volonté simplement plastique. Dans chaque photographie se dévoile aussi une histoire, à chaque fois différente. Chaque image se lit comme un petit roman qu’il convient d’aborder avec un œil vierge, afin de mieux en savourer la trame.
Oui, d’un côté, la lumière, les ombres, les lignes, le cadrage, et donc la tentation pour le spectateur de cette photographie si personnelle de se perdre dans la pureté des scènes immortalisées par Hélène de Roux. Mais de l’autre, cette facette narrative, le souci du vécu, de ce que suggèrent certaines attitudes, certains détails, un objet, une ombre, l’inclinaison d’un corps, un geste. Chaque image raconte une vie, ou plusieurs vies, une histoire, ou plusieurs histoires.

Aucun pathos, nulle volonté de présenter une réalité avilie, nulle volonté d’en faire des tonnes, comme malheureusement trop de ses contemporains s’y résolvent parfois, sombrant dans un réalisme facile et pour tout dire bien souvent artificiel, duquel toute poésie a disparu, au contraire de l’œuvre d’Hélène de Roux. La simple volonté de ne pas trahir l’atmosphère d’un instant qu’elle souhaite mémorable. A chaque photographie, l’émotion fugace d’une petite seconde d’éternité…