Le visiteur est immédiatement saisi par la présence
troublante des personnages qui peuplent l'univers d'Anne Bothuon. La
plasticienne est l'unique ordonnatrice d'un théâtre qui oscille entre comédie
et tragédie. Tour à tour, elle endosse le rôle de sculpteur et de scénographe
pour donner vie à ses créatures textiles.
Le corps humain est la préoccupation première d' Anne
Bothuon. A l'égal du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, elle porte un regard
attentif et bienveillant sur les corps qui l'entourent. Des corps éloignés des
modèles éternellement jeunes et dynamiques, promus par notre société marchande.
Des corps qui ont traversé les années avec leurs défauts et leurs petites
imperfections. L'artiste fait surgir ses figures d'une masse blanche de ouate
et de tissu qu'elle modèle à coups de fils et d'aiguilles.
Un réseau
labyrinthique de fils colorés enserre cette grande masse molle et inerte pour
lui donner vie. Ici, le réseau se resserre pour suggérer le détail d'une
plissure ou d'un repli. Là, le réseau se fait plus lâche pour libérer les
volumes d'une poitrine ou les courbes d'une hanche. Anne Bothuon donne corps à
une galerie de personnages puissants et fragiles, magnifiques d'expression et
d'humanité.
Une mise en scène discrète et généreuse nous invite à
déambuler parmi ces créatures à taille humaine. On se surprend à croiser leurs
regards et leurs têtes légèrement inclinées semblent implorer un moment de
sollicitude. Dans un curieux face-à-face, on ne sait plus très bien qui cherche
le regard de l'autre. Ce jeu de miroir crée un beau moment de partage et
d'échange entre les spectateurs et les sculptures textiles qui leur ressemblent tant.
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