jeudi 26 juillet 2012

YVES KRIEF : CITÉS DU VERBE ! (Yannick Lefeuvre)

Dans le tohu-bohu du monde, il est difficile de trouver des lignes de sens. L'artiste-voyant s'y attelle avec appétit en déployant des visions à la férocité réjouissante. Il y sème des indices puisés à la source de ses désirs les plus intimes. Il nous donne ainsi l'opportunité de tracer notre propre route vers une parole sensée.
En effet, l'artiste nous dévoile ses interrogations par le truchement d'images énigmatiques.
Des paysages fantastiques, des architectures à décoder, des présences humaines et animales dessinent une mystérieuse mythologie urbaine. En ces temps où les anciens récits sont ressentis comme du folklore, où les nouveaux mythes se marchandisent, son travail est salutaire. Il s'adresse à nous, être perdu, illettré du verbe, du rêve et de nos richesses fantasmagoriques.
L'artiste parie sur l'étrangeté pour anticiper d'autres territoires sur le substrat des sensations, des émotions et des sentiments. Il choisit la voix du sujet avec confiance.
Chaque image-rêve qu'il crée est une ascension vers une cosmogonie réinventée, vers une parole débarrassée de ses clichés et la possibilité d'une transcendance nouvelle.
Dans ses tableaux, il y a parfois des invariants qui agissent comme des obsessions. Des ciels dangereux voire mortels, des bâtisses subissent l'ombre menaçante de gigantesques ponts.
Ces passerelles de fer et d'acier emprisonnent de leur puissance néfaste les lieux de vie.
Alors, il happe notre regard et le guide à travers ses propres métamorphoses. Il impose des dieux et des déesses comme autant de repères fétiches qui retrouvent une place dans l'imaginaire commun. Ces vigies vierges, statuaires charnelles posées au gré des rues veillent sur les passants. L'animal prédateur engage le regard dans les méandres de la violence et inquiète nos avancées dans ce monde torturé. Mais l'artiste n'est en rien pervers, il annonce des possibilités de compréhension. L'image fait sens et trace son sillon de vérité.
Des murs porteurs de brisures sur lesquelles s'agrippent violemment les inscriptions, des surcharges d'enseignes lumineuses, les tags et les pubs inscrivent des chemins. Les mots devenus hiéroglyphes seront sources d'un déchiffrement voire d'une approche symbolique humaine nécessaire à notre survie poétique.
Ainsi dans un coin de rue, j'invente à mon tour mes rêves. Je révèle un nouvel Abou Nowas qui juché sur des immondices vibratiles bégayant et chancelant crie ses poèmes aux ouïes des passants. Un Umberto Ak'abal s'envole dans les mélodies du chant des oiseaux. Un Tagore attentif prête ses oreilles au désespoir du parfum des fleurs.

Mais revenons à notre propos...Si ses toiles agissent avec talent de façon hypnotique, il ne s'agit pas de s'y laisser dériver mais de se ressaisir, de se réapproprier nos perceptions oubliées et de tisser en sa compagnie une histoire vécue creusant ses suspens au dedans de soi.
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2 commentaires:

  1. Mille fois merci Yannick, ton hommage me va droit au cœur et dieu sait qu'en ces moments difficile pour nous, les artistes, un peu de baume c'est... bon. :)

    Yves KRIEF

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  2. Oui, l'artiste tisse au coeur de l'humain des vibrations nécessaires concrètement à la vie.
    Mes mots viennent dire combien c'est important ces pas de coté !
    Souvent l'artiste est vu comme un plus alors qu'il tente de fonder par le regard ce qui va nous constituer et transformer le monde !
    Ce serait bien que cela se sache plus !
    Merci à toi !

    Yannick

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