Parfois au matin, on cherche les éléments d'un rêve
pour le reconstituer. Ça nous revient par bribes, fragments, traces,
griffures... C'est à la fois exactement ça et autre chose... ça s'invente dans
une narration sans cesse interrompue... ça se dilue trop vite... les images se
diffractent... un mot surgit mais le poids du discontinu déchire son sens...
Philippe Croq nous entame avec ses propositions picturales
là. Y a-t-il un cherche à dire dans la composition de ces éclatements là ?
Tout semble posé mais rien n'est formulé. Un soi
apparaît là où le double disparaît. Souvent ombres, traces et reflets se
dessinent dans une confusion d'intérêts contradictoires. Alors, ainsi invitée
la sensation visuelle de parcelles de vérités vécues nous foudroie.
Mais ne nous trompons pas, ses toiles sont très
construites dans leur déconstruction. Parfois une verticale tend vers un
équilibre juste pour chuchoter un couleur. Il sait asseoir une horizontale, au
bord du tremblé, de la ligne de partage entre un mot, un son, une vibration,
une odeur, un frisson, une haine fracassée. Par petits signes, bribes, lignes
et teintes, il articule son univers. De ce fait, on se surprend à rêver encore
et encore ... renouant ainsi avec notre rêve nocturne du début tout à coup
actualisé.
Une telle approche demande une écoute qui avance sur
un fil fragile voire distendu sur le seuil de rupture. Sommes-nous quelque part
dans ce qu'il nous donne à voir ? Ses tentatives émouvantes d'évitement de
sens, de tissage de fils d'araignée, de grilles estompées, de rebords calqués
le propulsent avec jubilation dans une possible résurrection. Ses apparitions
de corps esquissés, fantomatiques, de visages étranges semblent glisser sans
autres poids que leurs désespérances. Pourtant dans ce vide apparent dialoguent
(malgré lui ?) des teintes fugaces, des mélodies interrompues, des accords
discordants...
Nous savons en écho au fond de nous mêmes que ça a
eu lieu pour nous aussi. Ceci reconnu, l'artiste nous invite à franchir
ensemble le seuil d'un monde perdu ... à le dénuder encore avant
d'hypothétiques reconstructions.
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