S'il y a un reflet possible du monde actuel, Nicolas Crouïgneau
nous le livre tout en perspectives, avec des cadres urbains aux structures
elles mêmes encastrées qui deviennent ces espaces à arpenter sans idées
précises, de là à là et de plus en plus vite. Les êtres s'y déplacent, les
longent, parfois y plongent comme dans une piscine ou y grimpent avec fièvre et
honte ou même s'y renversent surpris de tant de vacuité. Il peint avec talent
en grand connaisseur des effets de la peinture un urbanisme sans sol, aux
transparences colorées avec un soin et une propreté cliniques, des ciels
reflets et des couloirs indécis quoique serviles d'un management invisible. Il
ose aussi plus profondément le frottement d'un masculin d'équerre aux courbes
sensuelles d'un féminin désarçonné. Si sa mise scène crée un espoir entre ces
deux là, l'artiste ne fait pas que constater, il envisage un avenir possible.
L'artiste soupçonne qu'un désir plus humain pourrait poindre son nez, saurait
jaillir de ses toiles ainsi conçues dans l'esprit pétrifié du public. Mais là
sur la toile de fond, hommes, femmes, enfants et personnages identifiables ne
font que s'y inscrire sans autre réalité que de passer par là, y allant, s'y
inversant, s'y mirant, s'y dénudant banalement avec des gestes las. Le regard
sans consistance porte son désir morbide sur des ailleurs indéfinissables. Il
suffit de vaquer dans un centre ville pour entendre le propos de l'artiste car
au fond, c'est bien comme ça qu'on s'y déplace le plus souvent. Alors,
bizarrement, on s'y reconnaît dans ces toiles, on le vit parfois ce désarroi impalpable
où chacun erre à sa façon dans ces espaces modernes impeccables mais qui ne
conduisent nulle part, qui n'invitent à rien, qui volent des libertés qu'on
aurait d'ailleurs aujourd'hui du mal à définir. Pourtant sa peinture difficile
ne s'enferme pas sur elle même. Elle oblige donc le public dérouté à y revenir,
à y regarder de plus près pour se donner du temps et peut être entrevoir autre
chose. Il pressent qu'au delà de ce monde désincarné une autre terre se
dessine. Le peintre facétieux, sans concession mais méticuleux souhaite peut
être avec nous une fois le constat fait, tisser un autre rêve pur l'humanité.
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