dimanche 23 octobre 2011

L’ART ET LA FIN DES TRANSGRESSIONS (Christian Noorbergen)


L’art interroge tout ce qui manque à l’homme pour combler les distances qui le séparent de la nature, et de sa nature… L’homme de la préhistoire souffre de la perte de l’insondable animalité. Séparation éveillant la terreur de l’implacable mortalité, et la tentative inouïe d’imaginer par l’art une sublime immortalité fantasmée. Conscience aiguë de la mortalité du corps. La différence sexuée, et l’abîme de l’individualité fouillent encore la perte des origines, fondatrice de l’humanité.
Mais l’écart entre l’homme et sa nature se creuse, et ne cesse de se creuser. Les systèmes se fatiguent avant de se savoir fatigués, il faut les transformer contre leurs propres certitudes. Les transgresser du dedans.L’art, dans les moments de crise où la culture enfin se dénoue, assèche les sources des concepts trop installés, effondre les bases de la représentation, et au lieu de privilégier le sens, en montre les limites et s’ouvre au non-sens. Transgressions vitales. Ainsi, sans faire mourir l’humanité, l’art bouscule l’inertie des cultures. La plénitude épuisée, saccagée, puis restaurée, fait vibrer à jamais les cordes de l’existence profonde.

LES TRANSGRESSIONS FRIVOLES

Petit saut dans le presque rien, la transgression fabriquée, éphémère, anecdotique, fait diversion. Puce avide de sensations, dans les bulles de l’ego…
La transgression pour la transgression, et comme moyen de communication, est jeu de mode, remarque ludique hors du champ du remarquable. Petit attentat confortable, forme esthétisante de l’arrivisme. Les courants d’art installés servent de repoussoir, et la transgression devenue système installe pour un temps les professionnels de la transgression… Jeux d’apparence, d’appareil, et d’apparat…
Cartes brouillées de l’authenticité, de l’acquis, de l’éthique, du culturel, des lieux d’art, ou des lieux sans art… Transgressions destinées à la reconnaissance, sans enjeu vital, comme la répétition mortifère des « infos ».
Les transgressions futiles sont en quête éperdue de bienheureuses, attractives et putrides censures, et les pauvres éclats de ces transgressions à petits pas sont autant de miroirs de pauvre singularité. Elles éprouvent à bon compte le grand jeu des libertés acquises, le trop-plein de tous les possibles, et les boursouflures de la vacuité.


LES TRANSGRESSIONS VITALES

Notre époque ignore les frontières. De rupture en rupture, elle se vit, difficilement, dans une interminable remise en question. Régression possible, jusqu’aux intégrismes pluriels.
Contre les surfaces évidées du goût collectif, les transgressions de vérité réveillent l’archaïsme des zones psychiques du dégoût… Elles éveillent… Le primitif oublié revient. Le tenu à l’écart des bienséances culturelles surgit.
La transgression installe les stigmates du manque à être. Elle pose des repères de fête sur les repoussoirs de l’interdit. La transgression comme fenêtre d’altérité se fait initiatrice, elle incise le réel, crée un seuil où l’humanité s’installe au vrai, fait de la place au non-être pour construire hors des bases fatiguées.
La transgression vitale, ou la fin cruelle des sacrifices…



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