Il ne saurait exister d’art, et a fortiori de photographie, sans
que l’artiste possède au fond de lui le feu sacré. Le feu intérieur. Cette
espèce d’exaltation permanente qui lui accorde d’obtenir l’énergie nécessaire à
la réalisation d’une vie toute entière tournée vers la création. Cette ardeur qui
ne s’achète ni ne se transmet, dont le rayonnement nous enveloppe, de toute
évidence, dès le premier regard posé sur les images d’Hélène de Roux.
La photographie reproduite ici se nourrit d’abord et avant
tout de cet embrasement perpétuel. Il y frémit une ardente passion pour les
beautés du monde, pour tout ce qui témoigne de la condition humaine. Un
enthousiasme incandescent qui évoque avec chaleur notre époque, sous toutes les
latitudes.
Les images glanées avec infiniment de patience par cette photographe
au demeurant très peu prolixe, et dont il convient de souligner qu’elle ne se
cantonne pas dans un genre unique, confortable et définitif, mais s’applique au
contraire à développer un regard tous azimuts, prennent le pouls du monde, mine
de rien, sans en rajouter plus que de mesure, avec une sorte de distanciation indulgente,
celle d’un témoin conquis par ce qu’il observe. Se révèle dans ses photographies sa volonté
d’être en osmose avec les êtres, le décor, l’atmosphère.
Les photographies sont prises à main levée, sans pied, sans
fioritures, et gardent de fait fraîcheur et spontanéité. Il s’agit de donner à
voir, de témoigner de la poésie aux multiples visages du paysage comme de la
société, des complexes visions qu’ils offrent à qui sait voir, presque de
communier avec eux. Il s’agit de s’astreindre à un résultat parfaitement
abouti, pour lequel la lumière met en exergue les perspectives, où les
contrastes donnent un éclairage inédit au sujet. Il s’agit pour elle, à chaque
cliché, de dire juste.
Le regard d’Hélène de Roux s’exonère cependant de toute volonté
simplement plastique. Dans chaque photographie se dévoile aussi une histoire, à
chaque fois différente. Chaque image se lit comme un petit roman qu’il convient
d’aborder avec un œil vierge, afin de mieux en savourer la trame.
Oui, d’un côté, la lumière, les ombres, les lignes, le
cadrage, et donc la tentation pour le spectateur de cette photographie si
personnelle de se perdre dans la pureté des scènes immortalisées par Hélène de
Roux. Mais de l’autre, cette facette narrative, le souci du vécu, de ce que
suggèrent certaines attitudes, certains détails, un objet, une ombre, l’inclinaison
d’un corps, un geste. Chaque image raconte une vie, ou plusieurs vies, une
histoire, ou plusieurs histoires.
Aucun pathos, nulle volonté de présenter une réalité avilie,
nulle volonté d’en faire des tonnes, comme malheureusement trop de ses
contemporains s’y résolvent parfois, sombrant dans un réalisme facile et pour
tout dire bien souvent artificiel, duquel toute poésie a disparu, au contraire
de l’œuvre d’Hélène de Roux. La simple volonté de ne pas trahir l’atmosphère
d’un instant qu’elle souhaite mémorable. A chaque photographie, l’émotion
fugace d’une petite seconde d’éternité…
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