Un rouleau de calque serpente sur
les murs, sommairement suspendu à l'aide de pinces et de fils. Y aurait-il
erreur et serions-nous entrés dans un bureau d'études ? Dans un dispositif
volontairement dépouillé, Brigitte Lurton invite à rompre avec nos habitudes de
regard. Impossible de s'installer confortablement devant ce qui est à voir.
Impossible de saisir le rouleau de calque dans sa totalité puisque le début et
la fin demeurent enroulés sur eux- mêmes. Quelque chose est à l'œuvre, quelque
chose est en cours sous nos yeux. Il s'agit d'aller y voir de plus près.
Un fil rouge invite à s'approcher et
à parcourir la longue fresque où se déploie une multitude de personnages
surpris par notre regard. Qui regarde qui ? Dans un curieux jeu de miroir, on reconnaît
nos frères et nos sœurs en humanité : un membre de la famille, un voisin,
un ami, une rencontre de hasard. On est tout de suite happé par les regards de
ces humains qui nous ressemblent tant. En multipliant les techniques
graphiques, le dessin de Brigitte Lurton capte avec générosité la beauté unique
de chacun en même temps que ses fragilités.
Nul contact, nul regard entre les
individus qui se succèdent sur le fond saturé d'écritures dorées. Les mots et
les chiffres proviennent de relevés statistiques concernant la consommation
mondiale et demeurent difficilement déchiffrables. Les personnages semblent
nous implorer de les sauver de ce flot d'écritures qui menace de les submerger.
Métaphore d'un monde déshumanisé où l'individu craint de ne plus avoir prise
sur son devenir. L'œuvre inquiète de Brigitte Lurton est un appel :
comment retrouver un langage qui permette de retisser les liens entre les
individus ?
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