Déjà, il y a le parfum capiteux de l’huile, et avec lui, le choix d’une certaine difficulté. Et puis, il y a l’extrême abstraction du geste, qui pourrait passer pour une forme d’incohérence non contenue.
Mais bien au contraire. C’est justement la maîtrise de la pulsion qui va créer cette œuvre singulière, maîtrise du trait, maîtrise de la couleur. Ainsi, sur une surface atone, va éclater quelque part sur la toile une forme vitale et vivante. L’œil serait-il en face d’un instantané chaotique de la genèse ?
On peut y voir le nuage d’une galaxie naissante, la danse de molécules en formation. Cette peinture est éminemment constitutive de ce que nous sommes. Et si elle pourrait être un banal commun dénominateur, une force du hasard plus qu’une force créatrice, ces toiles sont en étroite relation avec notre intimité.
Si j’ai fait, lentement, le choix de celle-ci, je n’en connais pas encore les raisons profondes. Alors, je prends le temps de fixer la toile, de longues minutes, et sans en savoir plus, c’est une conviction qui s’impose. Le tableau m’interroge : « pourquoi m’as tu choisi ? ».
Je crois que c’est le bleu qui m’attire. Et rapidement c’est le rose. Et puis c’est à nouveau la confusion, mon regard perdu flotte sur la toile. L’Homme est homme de références, et c’est sans doute une faiblesse. Les nymphéas. J’ai toujours aimé en approcher mon regard, au plus près des fleurs elles mêmes. De cette proximité naît la forme abstractive de cette peinture. Un siècle sépare ces toiles, les peintres ont des intentions divergentes, mais chacun est en avance sur son temps.
Après l’odorat, la vue, le toucher. Mes doigts caressent le magma de la peinture épaisse et lisse, en épousant ces courbes qui nous invitent à un voyage au centre de la terre. Nous y voilà. Elisabeth Sandillon nous donne à voir des veines de pierres précieuses en fusion dans un silence de volcan.
photos : Michel GANTNER
Cette peinture et ce texte sont saisissant.
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