Quand il déambule dans la galerie de personnages proposée par Alexandra Chauchereau, le spectateur décèle au premier regard une aimable série de portraits. Il est littéralement happé par ces hommes et ces femmes de tous âges, il pourrait y reconnaître facilement un membre de sa famille ou un être cher de son entourage. Il serait prêt à accueillir ces nouveaux venus et à établir de nouvelles relations tant leurs regards ou leurs sourires semblent complices.
Ce premier regard rempli d'empathie et de compassion est rapidement mis en alerte par la mise en scène des portraits: sur un fond neutre (souvent rouge) chaque personne nous fait face et tient entre ses mains un panneau comme dans les fiches policières permettant l'identification des prévenus . Le dispositif mis en œuvre dans les portraits d'Alexandra Chauchereau tient de la méthode policière. Qui sont ces personnes ? Qu'ont-elles à déclarer ? Afin de mener l' enquête, l'artiste dépose un certain nombre d'indices : des mots, des symboles très vite intrigants. L'enquête s'annonce plus compliquée que prévu. Les traits sereins d'une femme sont contredits par le mot DÉBORDÉE. Un septuagénaire à la moustache et aux cheveux blancs déclare sur le panonceau qu'il tient entre ses mains : J'AI VINGT ANS.
L'image d'un père bienveillant à l'égard de son fils qu'il tient entre ses bras est confrontée aux injonctions des normes familiales : TU SERAS UN HOMME MON FILS.
Le sourire accueillant d'une sexagénaire se heurte à la rigueur et à la sécheresse d'un code-barre. Qui sont réellement ces personnages dont l'image et les déclarations ne coïncident pas tout à fait? L' identification de chacune des personnes s'avère plus difficile à saisir que ce que notre œil avait pu déceler au premier regard. Derrière l'apparence des images, on devine des mondes intérieurs : des fatigues, des peurs, des rêveries, des craintes, des drames . Tout ce qui fait la complexité et la richesse de l' individu.
L'œuvre d'Alexandra Chauchereau pose un regard généreux sur l'individu et invite à en saisir toute une complexité qui ne peut se réduire à quelques clichés. C'est aussi une interrogation salutaire sur les images qui prennent une place de plus en plus prépondérante dans notre société et qui ne peuvent rendre compte que d'une manière très partielle de la réalité humaine.
Un très bon résumé de la complexité des oeuvres d'Alexandra Chauchereau. Une pointe d'humour sur fond de grand réalisme et toujours un intrigante part de mystère. Bravo à l'artiste!
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