dimanche 24 août 2014

NAOKO TSURUDOME : LA PARENTHÈSE MERVEILLEUSE… (Yannick Lefeuvre)

Devant les gravures de Naoko Tsurudome, on s'arrête. Elle nous livre l'évidence d'un soi intime en phase d'être éveillé. Elle est subtile dans son économie. Elle ne retient des animaux, choses ou êtres divers qu'une bribe, un morceau, un seul mouvement lui suffit. Elle n'en révèle qu'une morsure, un bord, une courbe, un élan. Ainsi, elle nous laisse toute liberté pour imaginer. De plus, elle fait lien d'un pays à l'autre avec une grâce magique. Les adages qu'elle re-visite avec humour s'élancent vers une nouvelle vie. Elle tisse donc autant par l'image que par les mots des compositions où l'esprit de chacun devient le poète d'une rencontre. Elle avance dans le souffle, la joie, le plaisir d'être au monde. Inutile d'en écrire plus, écoutons là se raconter, tout y est …
«Normalement, je fais une gravure et puis cherche un titre qui s’accorde bien avec elle. Il y a des exceptions, bien sûr, des cas contraires : des mots d’abord, et puis des images. Cela arrive rarement. Je vous présente une gravure qui est née à partir d’un récit. Un jour, ma sœur m’a envoyé un mail. Il y était écrit  : ...l’autre jour, le Docteur de l’ayurveda m’a dit avec une voix sérieuse « Si vous avez des questions, notez les immédiatement sur le papier. «There is no hope in your memory power ».... Cette phrase m’a incité à créer des images. J’ai évoqué premièrement un coq, qui est censé, au Japon, oublier facilement. On dit « le coq marche à trois pas et oublie». 
Cette expression en a entraîné une autre  : avoir une mémoire d’éléphant. Le coq et l’éléphant, sont-ils contraires  ? Oui, c’est possible, bien qu’ils ne soient pas issus de la même culture, le coq japonais et l’éléphant français. D’autres choses me sont venues à l’esprit  : pousses de radis, champignons, traces d’animaux et d’oiseaux… 
Les pousses et les champignons ont la mémoire courte. Les traces ressemblent aux mémoires, ou le contraire. Les mémoires sont des empreintes dans l’esprit comme des traces qui sont laissées sur les chemins. Tous les acteurs ont été réunis. Je les ai fait jouer. Le nez de l’éléphant et la queue du coq se sont allongés, et les traces se sont embrouillées. Quant aux pousses de radis et aux champignons, eux, ils se sont ordonnés. J’ai enfin composé une gravure et voilà «une mémoire de coq»(Estampe,gravure à l’eau forte, 1/1039,5 x 39,5 cm).
Elle sait passer à travers les miroirs des civilisations et créer avec tranquillité un nouvel univers qui n'appartient qu'à elle. Pourtant chacun s'y reconnaît et se surprend à ouvrir les fenêtres de ses propres rêveries avec au cœur une joyeuse et soudaine complicité.

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