Dans les mouvements divers de la peinture actuelle, le ressenti, l'émotion voire la pulsion deviennent le sujet redondant des recherches picturales. Pour Elisabeth von Wrede le propos est tout autre, il vient s'établir selon un processus précis voire deux... Elle annonce : « Le blanc vient soit après un travail tout en couleurs qui lui est fait avec une gestuelle très dynamique, voir violente, soit après avoir écrit un texte où je vais exprimer mes pensées, mes idées, mon analyse, mon ressenti par rapport à un certain sujet. Réflexion intime que je ne partage qu'avec le futur possesseur de la toile.
Dans le premier cas il s'agit de la série " Révélations" dans la deuxième " les Secrets". Il s'agit en premier lieu et temps, d'une parole, d'une pensée, d'une réflexion qui à l'origine suscitent un premier recouvrement coloré, une sorte de dérive des mots, une ivresse des sons devenant jets de couleurs. Et en dernier, un enneigement blanc définitif. Étonnammant, l'ensemble offre une écriture colorée où les repères sensoriels disparaissent au profit d'une surprise vivifiante... un soi tout neuf, inattendu, ainsi révélé. L'œil est subjugué par des éclats de matières colorées. Ils surgissent entre les craquelures blanches tels des signes torturés et stridents.
L'univers multicolore ainsi composé se lit comme un signe de croix. Horizon et verticalité fondent une loi imprévisible. Lettres sensuelles et faussement lisibles pour une lecture émotionnelle qui par le geste généreux de l'artiste n'appartient qu'à chacun(e). Si le tragique de l'être s'origine de secrets inavouables, elle en donne la preuve.
Elle se situe à l'exact frontière entre la révélation du secret et la nécessaire intimité qu'elle revendique avec une rythmique rassurante censée calmer ce que le travail en amont a laissé surgir. Elle trace une ligne de partage entre blancheur et colorations vives ainsi ponctuées. Les luminescences aux tendances rouges, vertes ou bleues de chaque toile ouvrent sur des univers multiples et cohérents. Par son travail pictural, elle souligne un processus vers la vérité et s'y soumet avec opiniâtreté. Elle donne à la frustration, à la perte et à l'échec une possibilité de se créer un chemin. Elle affirme qu'il n'y en a pas d'autres sinon de quelques totems, grillageries ou fugaces apparitions abstraites.
Et le mode d'emploi accompagne l'œuvre, c'est inouïe.
L'oeuvre devient objet chatoyant de méditation. Aujourd'hui où l'intime tend à s'effacer au nom d'une soi-disante nécessaire transparence, elle tourne le dos avec effronterie à ce dictat. Enfin, dans un geste de voilement apaisé pour retrouver les siens, soit nous autres, elle impulse par le rythme devenu visuel, le mouvement de la vie voire de l'amour. A nous devant ses toiles de mesurer l'opportunité d'une telle vraie proposition. Si le dévoilement reste affaire intime, seul le voile nous en dira plus... mais chut !
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