samedi 21 décembre 2013

QUI A PEUR DE CATHERINE S. WOLFF (Frédéric Amblard)

Catherine WOLF et Frédéric AMBLARD
On peut préférer oublier à quel point l'art nous dérangera.
 "Nous déranger ou pas", pour Catherine S. Wolff, la question ne se pose pas. Sa peinture n'est faite ni pour gêner ni pour rassurer. Elle lui est une respiration, un mode d'existence passant à la vitesse supérieure pour lui permettre de ne pas être dérangée, justement. Elle peint durement, comme elle respire donc : rien de plus rude que ses formes et ses thèmes picturaux Or, approchez cette femme, ce qui domine, c'est son rire "énaurme", sa petite taille, sa chevelure de lionne. Pas d'angoisse apparente ni de refrains pathétiques. Dans la vraie vie, elle vit et va, légère ou inquiète. Pas ses toiles ! Qui exhibent ce qui va en sourdine, à bas bruit, sans mots mais non sans sens ; et qui irait plus mal si rien n'en était dévoilé. Peindre, ce travail en profondeur, remue ici notre face commune, inavouée, et faire surgir un matériau brut et nu, non habillé, non maquillé. Le sexe nu et l'effroi.
De ce que saisit son pinceau, on peut craindre le pire ; mais ce n'est jamais sans propos ni avant-propos. C'est qu'un fait particulier, marquant, a enclenché les mises en scène, mises à mort, en amour. Quelque amant, quelque injustice l'aura-t-elle heurtée ? Catherine S. Wolff leur règle sur-le-champ, comme en duel, le compte. Duelle ? Non, elle est tout d'une pièce, alors que ceux qu'elle foudroie sont tordus. Allez vous étonner que ses toiles aient mauvais genre après ça ! Toutes intimes qu'elles lui soient, elles et elle ne se confondent pas : sa peinture est une autre, plus méchante, plus comptable de la réalité vacharde. Un lien commun existe cependant : l'humour. Humour face à l'amour, humour contre l'amour. Rire lui permet d'aborder ce sexe que l'on ne saurait voir sans qu'il nous crache au visage, morde, nous dévisage. Notre sens du bon ton va se déchaîner ; mais la peinture, ici, l'a précédé. Et assumé.
Omniprésent, le sexe de cet art, est-ce haine, ou amour ? C'est avant tout une économie de moyen visant à l'essentiel : la nudité. Cette nudité qui, plus petit terrain d'entente, captera le vrai. Une œuvre plus nue que celle-ci, vous en connaissez ? Suspension du temps et des sexes. Le rapport hommes-femmes est-il mis en souffrance ? Qui en a peur ? "Qui a peur de Catherine S. Wolff ?"
   Vous détestez son art ; vous lui en voulez. ça se comprend.
   Vous acceptez son art ; vous en voulez. ça se comprend aussi.

Ce qui se comprend, c'est que Catherine S. Wolff, malgré qu'on en ait, a des couilles. Pas moins "couillarde" que la peinture de Cézanne, adepte du mot. L'air qui en émane use de titres qui, sans leurres, explorent un axe ludique, riche en référents littéraires, culturels, picturaux. Au titre, ce héraut de l'art, de porter sa part des affres qu'une telle exploration du grotesque, du "grand macabre", de l'outrance, engendre par monts et pas maux.
Mots, maux... L'art de Catherine S. Wolff lui vaut maints ennemis, le tout premier étant elle-même. C'est ainsi qu'affrontant son "ego" de vilain petit canard affrontant un grand méchant loup, elle  ne se perd pas : au risque de l'effroi, son jeu épique fait tournoyer grandeur et misère, dépassement et cruauté. Sans apaisement possible, si ses rets traitent du cauchemar et jamais du rêve, c'est que l'apaisement fausse le cauchemar et le nie. A la toile, qui peut faire fuir, d'outrepasser toute répulsion, dont la nôtre ! La sienne, primordiale, instaure rien moins qu'une "catharsis" - cette purgation de nos passions capable de liquider nos refoulements. "Cath'-art-sis" gît ici".

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