lundi 30 décembre 2013

JEAN-CHRISTOPHE FISCHER, OU LE VISAGE INNOMBRABLE. (Christian Noorbergen)

Au commencement était la nuit, l’univers s’est éteint et des yeux inouïs trouent la mort. Il n’y a plus qu’un visage unique, désert et déchiqueté, qui s’accroche aux masques du néant. Et des cernes de sang scarifient la peau broyée d’un corps qui fut immense… La nuit saisit l’espace, et l’espace est possédé.
L’art de Jean-Christophe Fischer est oppressant, “chargé” et puissant. Art d’exorcisme et de conjuration, qui lutte contre tous les délabrements de la peur et de la déchéance, et qui oeuvre en un rythme lourd, archaïque et lancinant.
Le masque est l‘horizon menaçant du visage, mais le visage dit la fin des masques. Au-delà du visage sont ses lointains cruels : ceux du dehors, aux identités saccagées, et ceux du dedans, inaccomplis...
Face à face implacable, où le miroir désigne le bourreau. Résonnent en lui des milliers de figures englouties. Bouche emmurée, noircie de  néant, au creux d’un visage inconnu, brûlé de mort-vie, et marqué de lointaine Afrique.
Tendu par les hauteurs, et pris dans l’étau des profondeurs, le regard s’élève, blessé d’infini. Espace effarant du visage. Quand tout se désagrège, l’oeil seul tient le fil de la vie. Il toise, il atteint, il fracasse nos fragilités. Le visage d’origine, à l’inexploré douloureux, ignore d’avance ce qu’il sera.
En medium éclairé, l’artiste impose la puissance d’impact des arts  primordiaux. Arrière-langage, parti de loin. Ces traces directes agissent par une formidable chirurgie mentale. Son art est rituel d’apparition, contre toutes les disparitions. Dans son immédiateté brutale et poignante, dans sa fabuleuse percussion visuelle, Jean-  Christophe Fischer assène la terrifiante singularité du ressenti archaïque.
Ce que les ornières de la culture cachent obstinément, ce que les ordres du jour n’en peuvent plus d’affronter, la part d’ombre le révèle : les trouées de l’être, les regards sacrifiés de nos doubles, et leurs beautés mortelles. Et le visage s’affole dans l’opacité sans fin de l’univers. A hauteur d’humanité, la création palpite.


«  Tu t’arrêtes quand tu n'as rien fait ». m’a dit Jean-Christophe. 

L’artiste dit la fin du jour.

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