Broussailles, pelages, fourrures des territoires de l'en-dedans, demeures
fluides des
« Yokaïs »
ou cocons duveteux en écho visuel des émotions originelles de
l'artiste...Ces toiles énigmatiques,
très personnelles ouvrent notre regard à l'invisible. Les sensations
ineffables puisées à l'écoute d'elle prennent forme au gré de ses étonnements.
Ces lieux de métamorphoses, presqu'immobiles si ce n'est des perceptions
vaporeuses, des glissements internes et des gestations immatérielles,
elle nous les donne en vertige et en partage. Elle enrobe l'espace ainsi
ressenti et dessine au creux de ces ventres des vibrisses animales.
Elle tapisse ces nids auréolés d'un tégument protecteur.
Elle trace des tissus organiques où se muent d'étranges phanères, où se
croisent dans les tapisseries d'épidermes renversés des fibroblastes
et des histiocytes, où règne sans partage la grande Mésenchymateuse des
origines.
Que de mots complexes non pas pour jouer au savant mais pour un appel à
un lexique réinventé, à une fantasmagorie nouvelle
et à un bréviaire emporté par la folie. Pour appuyer les impressions
rares qu'elle livre sans concession de sens à nos yeux étonnés,
je me risque à de nouvelles appellations.
En effet, l'interrogation qui ne manque pas de surgir nous mène à tenter
un pont vers ces œuvres difficiles.
Ce vocabulaire du réel manque, elle nous y invite. Il nous apprendra
combien ce monde si proche reste une belle énigme.
Insoluble certes mais autorisant des chemins inattendus menant vers des
ressentis joyeux, jouissifs et rafraîchissants.
Seul l'artiste redonne vigueur aux hypothèses. L'en-dedans trouve sa demeure
visuelle. S'éloignant de la couleur trop connotée,
elle donne sa chance aux noirs et blancs qui créent malgré leur apparente
simplicité des espaces inconnus où les complexités s'intensifient.
Changer la vie, ce sera pour elle d'abord écouter les tréfonds de son
être, ses sensations les plus intimes,
ses respirations intérieures où se réinventent à chaque seconde l'appel à
l'autre, à la vie et à la transformation continue.
Dans ces lieux globulaires, tout paraît silencieux. Pourtant les
déplacements que l'on devine bourdonnent,
langueurs sourdes presque opaques. Ils indiquent les profondes mutations
de la vie. Pour entendre, le temps exige son dû.
La pulsation s'impose sans pathos dans ses enclaves primitives. Les dieux
terribles attendraient-ils là dans une léthargie trompeuse l'instant de l'éveil
?
Ils nous révèleront alors, dans un geste de délivrance, la force
vivifiante qui s'est nourrie de ces substrats cachés, profonds et invisibles !
Il y aurait là, une nouvelle nourriture sensationnelle qui attendrait
silencieuse l'instant de sa découverte ?
Privés que nous sommes, de sens, de sensualité et d'amour, elle
deviendrait notre viatique !?
Le laisser aller de notre ressenti le plus charnel sera le passeport
nécessaire au passage de la frontière.
Si elle ouvre une porte, ce sera à nous d'en franchir les seuils. Elle
nous invite à cet effort.
Une fois, rendu au pays de l'étrangeté, elle ne cessera pas de nous
chuchoter combien ce monde est le nôtre.
Par le truchement de ses toiles, nous allons enfin nous apercevoir !
Petit glossaire prétentieux pour s'amuser...
Yokaïs ( Entités de la culture manga
japonaise. )
Vibrisses (Organes sensoriels poils ou plumes)
Téguments (Tissus formant l'enveloppe)
Phanères(Productions épidermiques
protectrices)
Fibroblaste (Cellule du tissu conjonctif)
Mésenchymateuse( cellule souche de l'embryon)
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