Parler
de la peinture de Gérald Mainier ne va
pas de soi. Pour l’avoir rencontré,
l’engagement et la sensibilité forcent
le respect. Le choix des mots est difficile. J’ai
choisi de parler de cette toile avec laquelle je vis depuis quelques années.
L’humanité du sujet s’impose
sans que la technique picturale interfère,
la toile est toute entière dédiée
à donner
vie au sujet, sans aucune complaisance, avec une économie
de moyens, notamment chromatiques. Deux notions reviennent, force et fragilité.
Cette force de l’homme de foi, de l’homme
sans toit, ceux qui vivent de rien, et qui plantent leur regard dans le vôtre,
en y injectant une dose de spiritualité ou
de précarité.
Cette toile nous
interroge à la
croisée des chemins d’une
société clivée.
Elle questionne aussi sur la foi, ce en quoi nous croyons, jusqu’où sommes nous prêts
à aller.
Là, la peinture puise sa force dans la gamme des bruns
sombres qui convoquent le saint extatique d’une
toile espagnole, et dans l’instantané d’un
déséquilibre, de cette
tête en arrière, inclinée
sur la gauche les yeux mi clos. La fluidité de
la touche m’évoque la terrible photo de ce militant cambodgien tué d’une
balle dans la tête à bout
portant. Aujourd’hui, la violence
sociétale a pris le pas, et cette toile nous rappelle que dans
cette société, malgré tout,
nous sommes fragiles, emportés dans le torrent
de la vie, « Ach wie flüchtig, ach wie nichtig…
La
peinture continue après la mort de cet
homme fragile qui n’est plus qu’un
crâne en équilibre instable, dérisoire,
posé à l’envers
sur son sommet, et puis le calcium se dilue sur la toile, étape
ultime de la disparition. Alors, après
cette gravité de l’être,
il est aussi le peintre de grands formats où il célèbre la nature et la
couleur du Jura, terre de cascades et de rivières.
Et là, l’humanité a
disparu, ou plutôt n’est
pas encore apparu. Ce sont des toiles pleines de couleurs et de silences d’un
monde à recréer.
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