mardi 19 novembre 2019

BRIGITTE LURTON : 58 M d'HUMANITÉ (Michel Foucault)


Un rouleau de calque serpente sur les murs, sommairement suspendu à l'aide de pinces et de fils. Y aurait-il erreur et serions-nous entrés dans un bureau d'études ? Dans un dispositif volontairement dépouillé, Brigitte Lurton invite à rompre avec nos habitudes de regard. Impossible de s'installer confortablement devant ce qui est à voir. Impossible de saisir le rouleau de calque dans sa totalité puisque le début et la fin demeurent enroulés sur eux- mêmes. Quelque chose est à l'œuvre, quelque chose est en cours sous nos yeux. Il s'agit d'aller y voir de plus près.
Un fil rouge invite à s'approcher et à parcourir la longue fresque où se déploie une multitude de personnages surpris par notre regard. Qui regarde qui ?  Dans un curieux jeu de miroir, on reconnaît nos frères et nos sœurs en humanité : un membre de la famille, un voisin, un ami, une rencontre de hasard. On est tout de suite happé par les regards de ces humains qui nous ressemblent tant. En multipliant les techniques graphiques, le dessin de Brigitte Lurton capte avec générosité la beauté unique de chacun en même temps que ses fragilités.
Nul contact, nul regard entre les individus qui se succèdent sur le fond saturé d'écritures dorées. Les mots et les chiffres proviennent de relevés statistiques concernant la consommation mondiale et demeurent difficilement déchiffrables. Les personnages semblent nous implorer de les sauver de ce flot d'écritures qui menace de les submerger. Métaphore d'un monde déshumanisé où l'individu craint de ne plus avoir prise sur son devenir. L'œuvre inquiète de Brigitte Lurton est un appel : comment retrouver un langage qui permette de retisser les liens entre les individus ? 









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