vendredi 10 août 2012

JOEL LORAND : VÉRITÉS DU VRAI VENT (Yannick Lefeuvre)


Joël LORAND
Son monde a le visage du multiple, du foisonnement, des mille et un liens. Dans des abondances d'abeilles en ruches, par les fourmillements des animalcules, homoncules et femellicules, avec aussi les os des fleurs, il s'envisage. Les grouillements du minuscule, l'affirmation de la présence des entités, le partage primordial d'un imaginaire structuré du dedans ouvre un espace-temps original. Un visionnaire halluciné tranche et pervertit les lignes. Rien s'emplit du tout, les Janus s'empoignent dans des regards de saints pré-chrétiens. Il magnifie les fluides, le vice versa contemple sa mort dans le reflet des ondes, il se végétalise de vertige en vertige. L'hypnotiseur horticole pose sa dynamite en arabesque et nous foudroie de ses vérités. Contre la dictature des « peaux lisses », il donne présence aux rides signifiantes. A l'étonnement sidéré et à l'arrachement de la raison, il donne chance au saisissement. Il nous piaffe, nous écartèle et son diapason braille.
Du fétiche au totem, les possibilités imaginatives expriment l'être dans ses liens sensoriels avec le monde. Le vide actuel ne demande pas à être comblé mais réinvesti autrement, il s'y lance avec urgence et appétit. L'artiste se fait passeur par nécessité intérieure et il explore. Il rencontre ce qui chahute du dedans les subtiles sensations, les vibrantes émotions et la possibilité d'un répertoire personnel. Chaque catégorie prend langue avec les éléments. C'était connu, c'était l'évidence, c'était l'humilité nécessaire à toute rencontre. Il faut bien des détours pour s'éprendre. Son berceau est un gigantesque tremplin vers des infinis stupéfiants. On s'y plonge et on n'en revient pas !
-« Oh ! je vois bien, la reine Mab vous a fait visite.
Elle est la fée accoucheuse et elle arrive, pas plus grande qu'une agate, traînée par un attelage de petits atomes. Les rayons des roues de son char sont faits de longues pattes de faucheux ; la capote, d'ailes de sauterelles ; les rênes, de la plus fine toile d'araignée ; les harnais, d'humides rayons de lune. Son fouet, fait d'un os de griffon, a pour corde un fil de la Vierge » 
Accompagné par le poète dramaturge, Shakespeare, j'entends mieux les toiles de Joël Lorand.
Jamais une répétition, que des découvertes d'un soi multiforme. Très vite dans l'amoncellement, la nécessité géographique s'impose. Les croix si elles ne sont pas des frontières deviennent des lignes de partage, non par souci de classement mais par désir de consteller les richesses. Il en vient à ouvrir ses mandalas secrets, portes gardées des mondes de l'en-dessous, les mandorles capricieuses pour des naissances d'insectes voraces, les rosaces de cathédrales primitives pour des chants anciens oubliés. A force d'aller vers le paradis des friches, il bégaie avec génie et s'enfonce dans les enfers du ciel.
La recherche pure est une nécessité urgente et se situe hors des recherches ciblées dont le seul but est la recherche du lucratif. Tout un vocabulaire mathématique de différenciation devient une démarche obligée pour une approche scientifique du monde. Savoir examiner les différences aussi subtiles soient-elles est une qualité que tout chercheur doit expérimenter. L'artiste me semble prendre ce chemin. Il inventorie tous les possibles et ce faisant, il s'inscrit dans la réalité du monde. Les « a priori » sur les artistes empêchent le réel de devenir sensible à nos sens. Joël Lorand convoque une armée toute équipée pour une lutte primordiale. La stratégie venue de l'intérieur du dedans du monde est privilégiée dans son travail. Orfèvre, il incite l'oeil à se promener mais plus encore à scruter, à approfondir sa recherche jusqu'à trouver sa question. Son interrogation naît du flot des doigts sur la toile. La parole retrouvée des mythes jaillit de ses tableaux. Il y a urgence à dire et ses compositions picturales et narratives lancent le débat. Par lui, nous sommes au coeur du sujet... la question de l'âme. Il a parcouru le chemin, il a senti le vrai vent, il le chevauche. Ce qu'il entend, il le transpose de façon à ce que les harmoniques nous touchent par le truchement vibratoire de ses compositions.
A nous de retrouver l'énergie brute de la vie pour l'accompagner, il me semble qu'il ne demande que ça !


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