vendredi 10 juin 2016

PASCAL HONORÉ (Michel Foucault)

On s'installe au milieu des toiles de Pascal Honoré comme on prend place dans un jardin public. D'abord le regard glisse sur l'ensemble des toiles comme pour effectuer un rapide tour de reconnaissance. Il est confronté à un entrelacement de formes stylisées rappelant des formes végétales, à une accumulation de motifs colorés évoquant des fleurs et des fruits. Le regard se perd. Il ne sait où se poser devant une telle profusion. Les creux, les vides et les interstices sont traités avec autant d'attention que les motifs.
Étrangement cette profusion ne crée aucune sensation d'encombrement ou d'étouffement. Le regard se sent libre. Il est sereinement sollicité pour circuler dans un fouillis végétal et déambuler parmi une succession de fragments aux couleurs délicates et fragiles. Parfois les motifs sont à peine esquissés. Parfois ils surgissent en négatif à l'aide de subtils recouvrements. Parfois ils apparaissent partiellement par transparence ou par des effets d'écaillement de la matière. La peinture de Pascal Honoré n'impose rien. Elle suggère et laisse entrevoir.
Cette peinture qui fonctionne par strates successives évoque irrésistiblement les fresques anciennes d'une demeure prestigieuse ou les mosaïques usées d'une villa abandonnée. Elle garde en mémoire les traces qui se sont superposées sur la surface de la toile et les images qui se sont succédé au cours de l'élaboration du travail. Les formes naissent et disparaissent. 
La peinture élégante de Pascal Honoré est une belle méditation sur la vulnérabilité des images exposées à l'usure du temps. 

ASTRID LAVIEVILLE : CHIMERES DU REEL ! (Yannick Lefeuvre)

Il fut un temps où dans l'émerveillement du monde chaque bruit de la forêt nous apprenait le mystère. Chaque murmure signait sa présence dans un imaginaire vivifiant. Ces liens aujourd'hui distendus nous laissent orphelins d'un monde oublié. 
Astrid Laviéville tient dans ses mains la certitude et la nécessaire utilité de leur présence. Alors, elle dessine, peint, sculpte l'ailleurs comme nulle autre pareille et ouvre ainsi notre regard à de possibles retrouvailles. Reporter de l'invisible, elle rend compte du petit peuple qui vit sous les feuilles, dans le souffle des ramures, sous les toits des champignons. 
Nécessaire exploration vitale en ces temps de réalités objectives et de rationalités crues. Elle nous transmet son univers souligné d'exigeantes délicatesses sur lesquelles veillent des ancêtres attentifs, son petit monde traversé par de sages figurines assises sur des montures à fines pattes. Leurs présences bienveillantes nous accueillent avec des utopies de chemins de traverse, un humour de comptines et des ballons somptueux prêts à l'envol.
L'envie irrésistible de les protéger nous prend alors que ce sont eux qui du fait de leur tranquille activité veillent sur nous … avec elle, nous allons vers le monde, notre peur envolée !

jeudi 9 juin 2016

FANNY PALLARO : TENIR TETE ET PRENDRE PIED ! (Yannick Lefeuvre)


Par la rencontre avec les œuvres de Fanny Pallaro, le silence s'établit en nous. Il recueille l'émotion suscitée par ses sculptures hors du temps. Un recueillement soudain écoute la vie battre, discrète, certaine et toute intérieure autant en soi que dans ses sculptures. Chaque visage composé sur le fil de l'étrange nous livre en toute discrétion son secret. Notre intimité redonnée nous donne alors à vivre et à goûter l'instant ineffable de la rencontre avec l'inconnu transfiguré. L'enracinement immédiat nous surprend mais son geste est si empreint de confiance qu'on se laisse emmener dans son monde.
Féérique quoique sans innocence mièvre. Sensualité grave mais sans pathos inutile offerte à la surprise du déroulement du temps … ce temps longtemps cherché et enfin trouvé par la grâce de son travail. Blé en herbe des torses, promesses de l'autre et reliés aux utopies d'une tribu à venir.


Légers sourires adressés du dedans en lien avec une humanité tranquille. Elle investit le silence les mains ouvertes à ce qui est. Sur les visages de grès, les éléments se conjuguent, fluidité, effluves et feu. Le sable millénaire transformé en une seconde d'éternité par des sourires tranquilles et des regards malicieux nous traverse et nous installe dans le souffle du cœur de la vie. Cela dans un enracinement si doux qu'irrésistiblement notre tête se penche et se pose ... tout contre une joue, des cheveux, un front ... contre le visage retrouvé de notre présence au monde.




jeudi 2 juin 2016

PIERRE LEBLANC : SUPERPOSE… ET PASSE MOI LE SEL ! (Yannick Lefeuvre)

crédit photo : Monch
Pierre LEBLANC
L'image, c'est parfois mieux qu'un mot ... une image qui dit tout … ce n'est pas rien … que dire de plus ... le photographe ... le réel en bandoulière flash la vérité … l'insupportable ... la non dite ... le juste coté de la réalité révélé ... le pas de coté du carré … il appuie sur la gâchette de l'appareil … et Blam !
Magiques, cruels et savoureux … des clichés qui d'un monde à l'autre dessinent une utopie par les tripes … oui, rire, c'est s'étriper par l'en dedans … et parfois le rire s'étrangle ... jamais de surenchères même si la vie l'est ... présence des êtres pour démasquer les mensonges, les injustices … il crée des mondes à l'envers d'un décor inattendu ... toujours en embuscade … transfiguré ... lumières d'arrache … couleurs de sang bleui ... décors réalistes du coté d'une claque au clair obscur de cinéma ... il nous tire les vers du nez avec ses idées crochues.
Rire, grincer, frapper fort pour ne pas mourir de honte devant ce monde devenu spectacle ... mais en serait-il un de plus ?
Non ! Pas chez Pierre Leblanc … il élague, il va au creux même de la désespérance … en tire les braises du feu de sa révolte ... il allume les aigus … il trahit avec entrain la bienséance … mais rien n'est facile ... et quand il trouve l'angle, le bon, l'humain, les personnages aussi ... il attrape, jubile et rit de bon cœur … il crie avec nous quand ses photos font mouche ... il prend sa mitraille et en rajoute une couche … un autre cliché déboule … et on ne s'en remet pas.

Circulez ! … Dans son monde, il y a tout à voir !