samedi 2 février 2013

LUCIEN RUIMY : TRAVAUX EN COURS (Etienne Ribaucour)



Un « va-et-vient permanent» : c’est ainsi que Lucien Ruimy regarde son parcours dans l’univers pictural qu’il explore depuis plus de vingt ans. Sans savoir où la matière va le conduire, il  reconnaît sur le chemin de la création les destinations qui se présentent, les ambiances qui vont ou non créer « une histoire ». Il peut alors décider de s’y arrêter, en attendant que surgissent les éléments ou les protagonistes de cette histoire, ou bien de bifurquer vers un travail de la matière, dans son épaisseur ou sa transparence, et sa lumière.
S’il existe un départ pour ce « va-et-vient permanent», on le trouvera sans doute dans les « surfaces d’accumulation ». Le peintre désigne par ces mots ses tableaux abstraits « chargés de matière ». Ils ont été le lieu de ses premières recherches. La matière s’est ensuite enrichie d’un mouvement, dans une force et une lenteur qui avaient abouti, voilà quelques années, à une série intitulée « La dérive des continents ».
Aujourd’hui la dérive continue, mais contenue dans une détermination qui la domine, sans pour autant que l’univers se soit restreint. Elle laisse les continents pour mieux travailler l’intérieur des tableaux et l’espace – ou le temps ? – qui va de l’un à l’autre. Elle y construit les fonds, les fondations. Ainsi canalisées, l’énergie et la couleur viennent irriguer l’œuvre où « les coups de pinceau et de spatule » apportent les touches de lumière.
 Ces deux outils, pourtant, n’écrivent pas seulement le tracé d’une dérive ou d’un frottement à la matière. Affûtés au-dessus d’une toile blanche et utilisés d’emblée pour des touches ultimes, décisives, superficielles, pourrait-on dire par rapport aux tableaux « chargés », ils installent un dialogue qui vient résonner sur/dans le blanc d’un univers sans fond. Paroles flâneuses, aérées, captées à la surface du tableau comme une onde qui se propage… Lucien Ruimy peut donc dériver vers une légèreté qui, comme un gué au milieu d’une rivière, permet à l’artiste de replonger vers des fonds inconnus et prometteurs.
C’est de ces fonds qu’est issue la série des « sets de table », formule attrapée au détour d’une plaisanterie amicale sur la façon dont étaient présentés les tableaux les uns près des autres. Dans le va-et-vient que nous tentons de suivre (bien sûr dans un ordre arbitrairement rigoureux par rapport à la façon dont les choses se passent en réalité), cette série est celle où apparaissent des figures, des « humanoïdes » ainsi nommés par le peintre.
Lucien Ruimy dit alors avoir « créé le hasard », parfois en reprenant un tableau abstrait, « un fond » laissé au repos pendant une ou deux années, puis en y « récupérant des zones » où les figures sont susceptibles d’émerger. « Quand ça surgit, explique-t-il, c’est un bout de quelque chose. Alors je formalise en même temps qu’une mécanique se met en place ».
Entre la matière toujours en mouvement, les écritures déliées, et les zones « un peu carnavalesques » où les histoires se racontent à la simple lumière de silhouettes, un univers, sans cesse, se dilue et se reconstruit. Inépuisable, il se donne à voir dans ces « travaux en cours », comme des instants à partager. Parce que, pour LucienRuimy, la peinture est aussi « un échange permanent ».

                                                                        

mardi 13 novembre 2012

ABRAHAM HADAD, C’EST UN STYLE (Lucien Ruimy)


Abraham Hadad vient du pays des « Mille et une nuit », c’est un conteur. Il raconte des histoires qui sont toutes des leçons de vie.
Sa peinture raconte les univers intimistes du peintre : son atelier, le peintre et son modèle, la famille… Il le fait avec des personnages tout en rondeur. Ils sont en contraste avec la dureté de la vie, du monde qui nous entoure. Ils sont la douceur que nous raconte Abraham Hadad.
Mais l’on aurait tort de croire à la simple description d’un monde idyllique. La force des regards de ses personnages, indique les tourments de la vie, le questionnement sur le monde, l’incompréhension de ceux qui ne pensent qu’à aimer les autres.
Il aime aussi dans ses représentations de l’atelier retrouver le souvenir du peintre abstrait qu’il a été en y insérant des tableaux de cette veine, mais aussi des paysages, donnant une idée des autres voies qu’il aurait pu emprunter.
Il nous indique ainsi que la voie qu’il a choisit n’est pas le fruit du hasard, mais celle d’un choix conscient fait dans les années soixante alors que l’abstraction dominait. A contre courant, il a choisit, à l’époque, de raconter l’humain.
La grande force  des mondes proposés par Abraham Hadad vient aussi de la qualité, de la texture même de sa peinture. Les chairs des personnages portent en eux toute leur histoire : les strates des couches et des couches de peinture leur donne vie, les font palpiter.  Sa peinture n’est pas faite d’immédiateté, elle est le fruit d’une longue construction.
Il est de ces rares peintres dont on reconnaît les tableaux au premier coup d’œil. Abraham Hadad, c’est un style.


vendredi 5 octobre 2012

LAURENCE LOUISFERT : TEMPO DES TEMPS (Yannick Lefeuvre)


En vrai, une artiste nous donne à voir des sculptures révélatrices du temps. L'air du temps, le temps de l'être, le temps de l'arbre, le temps des désirs, tous saisis dans la vérité de leurs mouvements et rendus visibles par la trangression métallique. Le métal scande, hache et découpe les déroulements vivants pour des élans affirmés, solides qui au final, le défie. Une sculpture jaillissante pour dire l'idée du désarroi contemporain mais aussi pour tracer des visions temporelles utopiques et chaleureuses. Elle croit à la vie et porte son rêve comme un fer de lance. Par notre incapacité à nous relier au temps des mythes, aux effluves de la terre, à l'amour charnel et tout simplement à l'autre, nous passons à coté du temps. Nous coulons la barque des rêves de la temporalité et nos espaces s'essoufflent. Sa façon de réagir, c'est la vigoureuse empoignade. Elle l'attrape, elle le prend à bras le corps, elle l'accouche. Un temps charnel venu de la forme, de la couleur, des métaux utlisés pour le projet s'affirme. Il faut la ténacité d'artiste comme elle pour débusquer de telles vérités. D'un tour de main astucieux, elle lui indique sa place et devant tant de maturité, il acquiesce. Il sera l'âme de la sculpture. 
Pour donner corps à l'impossible, elle s'accompagne d'ustensiles redoutables. Ils font des étincelles et s'entrechoquent dans son atelier secret. La meuleuse capricieuse, le chalumeau-chameau, les acides citronnés, l'oxycoupage-pas sage, les soudures vexées tourbillonnent dans un bruit d'enfer... Ils évident, ils grattent, ils meulent, écorchent, gravent, ébardent, cisèlent et soudent. En fait, ils n'en font qu'à sa tête de fouineuse, chercheuse et amoureuse énergique. La sculpture s'enhardit et rend visible en plus du temps commun, un temps intérieur, un temps plus subtil de soi, le temps mystérieux du mythe et le temps réel de l'oeuvre. Tenir ainsi la gageure dans sa main, dans ses muscles, dans sa chair n'est pas une mince affaire. Pour y arriver avec un tel talent, il faut avoir le souci des origines et l'incarner dans une forme durable défiant le vide actuel. La quête sera longue et chaque pas en avant sera ainsi inscrit dans le métal, histoire de ne jamais rien oublier de ses investigations. Voilà comment elle procède. 
Pour mieux dire, j'ai vu au plus haut des socles, un arbre. En bas gravée, taguée l'image de l'arbre qui fut ou qui sera. Au delà du construit, l'arbre va renaître, s'enraciner et se déployer nourri qu'il est du substrat des entités-villes des hommes. Les socles sont alors des seuils car pour elle rien n'est fatal. L'élévation devient une mélodie, un rythme et sa pulsation à l'écoute des autres donne le vertige. Dès lors, chaque regard posé sur ses oeuvres devient un regard complice. Le tempo du temps de l'être dans l'infini du temps de l'espace dévoile ses capacités de transcendance. Elle nous révèle la magie possible de l'heure du partage. De plus, il y a toujours autour des sculptures de Laurence des espaces nécessaires à leur déploiement. Le monde autour prend sens grâce aux lignes mêmes jaillissant de la sculpture. Sculpter pour elle n'est pas seulement offrir une oeuvre mais transformer le regard sur le monde qui l'entoure. Ses sculptures ont cette efficacité là. La sculpture déplie l'espace qui l'entoure et redonne au temps la force du désir. 

Parfois, elle se retire et on la surprend sur des ailleurs plus doux. Elle est aussi chatte, femme, aronde, gironde, oblongue. La suiveuse de pistes originales a plus d'un tour dans son sac et chante la vie à tue tête ! Des patines palatines vertes, mordorées, marronnées et grisailles dans des couleurs toujours « blues-tenues » la suivent à la trace. Ses investigations colorées prennent des détours nécessaires aux nouvelles impressions qui se présentent. Ainsi, l'arbre•animal, la femme-feuille, la gousse-vulve, le bijou-racine, l'envol-tronc, les branches-dragons, la terre-mère, les ventres-cercles et la faucille-lune nous emmènent sur d'autres mondes. S'il s'agit du nôtre, il en révèle les richesses profondes, sensuelles et gorgées de vie. Elle devine que la différenciation est source de rencontres. Le métal s'arrondit et ouvre ses paumes. L'élan dessine une ellipse vivifiante. Les petites sculptures possédent les mêmes richesses harmoniques que les grandes. Mais elles ont parfois de par leur proximité la possibilité d'une senteur. La main a envie de toucher, sentir et porter l'oeuvre comme on porte un enfant inattendu et secrètement souhaité. Ses enfantements au delà de la prouesse sont autant de promesses de vie, de rencontres et d'espérances ! 




lundi 10 septembre 2012

LUCIEN RUIMY : DU CLIC AU CLAC EN PASSANT PAR LE BRUSH* ! (Yannick Lefeuvre)


« Faute aux »... Utopies qui nous assaillent !?

 Faute à qui ?!  Faute à quoi ?
Plongées mythiques au cœur... des pixels.
Pour se dire dans les prises, pour se risquer au bord des clichés, il enclenche les rencontres 
Elles prennent la pose avec lui qui pose avec elles. Prise de têtes sans prise de tête.
Mise en boîte et révélations !
Drôle d'entreprise !
Si Narcisse s'oublie dans son image et plonge au gouffre de son néant, 

Lucien lui, frôle le danger certes, mais il traverse le miroir des eaux et s'il n'est pas seul,

l'envers du décor baigne dans les couleurs.

 Des visages complices l'accompagnent.
Quelques unes « s'Aphrodisent », sorties des eaux des océans, elles replongent dans les gluances colorées de la toile.

Les "Alice Marylin", lunettes de stars en sus révèlent l'amitié.

 Il y a photo certes, mais la peinture s'impose, fait retour, elle est présence.


Même la couleur déborde, elle entame les portraits où il joue contre joue. 

D'une figure à l'autre, il se transfigure et les couleurs amoureuses ainsi détourées racontent les liens de la vie et de l'instant. Il y tient à ce bonheur de vivre, il jubile, il a raison de sa déraison.

De celles là, nous ne saurons rien, l'intimité ne sera pas dévoilée, il s'agit d'autre chose. 

Il s'agit d'un rêve qui s'élabore de l'un à l'autre, de l'oeuvre à nous... concernés tout à coup. 


De la passion d'un soi qui se partage et que la couleur dérange, il figure ainsi la question. 

Il nous donne alors, l'opportunité de passer d'un monde à l'autre.


Lucien avec les risques de son talent pose les clés, offre les serrures mais ce sera à nous d'ouvrir les portes ! 

(*Le « Brush », mot inventé pour dire la couleur qui s'écoule)
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