Christian MOUREY
Devant une toile de Christian Mourey le regard
s'illumine d'une joyeuse évidence. Avec simplicité et dans une rieuse rigueur,
il nous emmène dans les méandres de ses échappées d'étagères. Tout est à portée
de regard et pourtant le sens des motifs se dérobe. Tout est facile mais la
tension de l'incongru nous voyage. Chaque élément nous salue et semble évident
mais des chuchotements s'interposent, des vecteurs nous soufflent qu'entre ceux
là, des voeux secrets circulent. Alors, dérouté, détourné, déboussolé, il
devient nécessaire de trouver un chemin. Il nous amène à tracer notre route.
J'aime quand un artiste nous offre l'espérance d'un ludique déchiffrement ! Il
donne envie de parcourir, de suivre un itinéraire insoupçonné et en fin de
parcours, nous nous surprenons à prendre rendez vous... avec nous mêmes !
Fichtre !
Dans l'inventaire immédiat des glyphes icôniques, il
glisse des flèches, des vecteurs de désir, des alignements de tares de balance,
ça nous interpelle. Nous, attrapés comme ça, on inspire ses spirales, on expire
ses magies de fakirs et ressourcés, en un mot, on se balade grave.
Des têtes aux allures primitives, des coupés de
bagnoles de gosses, des n'importe quoi, des vues de l'esprit, des esprits à
propos et de l'esprit en feu se présentent pour des circuits inattendus où
l'âme trouve sa place. Mais pas d'empilement hasardeux, de mélange mou et
d'abstraites imbécilités, au contraire un vivifiant équilibre s'affiche dans la
joie des lignes. Dans les coups d'oeil de clins d'oeil, il trace à vif des
joies aux couleurs soutenues, il souligne, il entame, il cuisine ses affaires.
De plus, avec son coté calumet de la paix, un désir de sacré s'installe et nous
relie à ce monde. Par exemple, nul mieux que lui connaît bibliquement le
chiffre trois. Il le colle partout, obsession décapante ! L'angle et l'arrondi
font la noce. D'un geste, il annonce l'avènement du nombre. Je le soupçonne
d'envisager le chiffre 5 pour de nouvelles investigations.
Comment fait il pour que de ce bric à broc s'installe un vent bénéfique ?
Lui, par l'écho profond qu'il ressent du monde, il creuse au fond de lui et trouve ses trésors. Il apprivoise des sens à venir, à rêver et à découdre. Actuellement, l'envahissement hystérique d'images, de signaux et de panneaux dans lesquels on tombe faute de sens, de sens des sens, de sens interdits et de bon sens nous piège !
Tranquillement, il desserre les mâchoires de la bête immonde par un retour sensible aux sens à fleur de peau... En expert de l'arrondi des cuillères, il donne sonorité au chant des lignes.
Dans les senteurs des courbes, il ouvre ses espaces
colorés aux senteurs primitives.
Par le chahut des icônes, il laisse les parenthèses
cerner les mots et il les chuchote.
Dans les allées où l'escargot côtoie l'infini. Il
butine au dos des objets et à leurs silhouettes dévêtues, il jette un sort.
Pour parler «pierre philosophale » il tente le lien subtil entre
noèse-pensée et objet-noème, ce lien est un fétiche. L'aventure est
phénoménologique et il faut un sacré phénomène pour se lancer dans la danse !
Une liane-tabou pour séparer et accorder des harmonies subtiles et nécessaires
à la vie. Une équation aux couleurs intuitives nous chavire. Les énigmes qui
s'offrent à nous sont celles que nous n'osons pas nous poser.
Alors, comment fait-il ?
C'est en se perdant qu'il trouve les signes qui
ouvrent les bons chemins !
Il nous donne ses lieux de force, ses ancrages
intimes et ses capteurs d'ondes affectives.
D'un
objet à l'autre, on se faufile et on crapahute mais ce sera à nous de lancer
les ponts !
Il cherche un compagnonnage et nous, à notre tour, à
nous perdre ainsi,
on se retrouve avec lui !
Alors, à ce point de connivence, il nous accueille
et nous cueille paumes ouvertes dans une généreuse accolade !
Ça
se pose là un gars comme ça !